Saint Martin le seul

 

Connaissant mon appétence pour les choses insolites, un collègue m’a proposé d’aller visiter les combles d’une petite église proche de Pithiviers.
Située à quelques lieues de Bondaroy (45) la petite église de Saint Martin le Seul a priori ne paie pas de mine. Son petit clocher peine à donner de la prestance à cet ensemble trapu dont les murs, flétris par les affres de la vieillesse, peinent à soutenir la toiture. L’œil averti relèvera quand même la rareté de la couverture dite « en bâtière » qui abrite l’abside.

 

Les fondations de l’aïeule, pendant plus d’un millier d’années furent témoins d’une saga pas banale dont l’origine puise ses racines… en Turquie.
L’histoire, enluminée de quelques légendes, nous apprend qu’au temps de Robert le Pieu (Xéme), un certain Grégoire, ascète puis Archevêque de Nicopolis en Arménie, craignant que sa renommée ne lui « enflasse le cœur et corrompisse son humilité » décide de partir en pèlerinage. Sa pérégrination vers l’Ouest le conduisit sur les lieux de la petite église de Saint Martin le Seul où il s’installa en ermite avec la bénédiction de la souveraine des lieux. (Héloïse de Pithiviers). A cette époque, les liens entre l’église arménienne et le siège de Rome étaient très étroits. Sa réputation de sainteté ne tarda pas à s’étendre et son hagiographie décrit de nombreux miracles et prodiges qui lui sont attribués. Redistribuant aux indigents les dons qui affluaient, il offrait une sorte de gâteau à base de miel qui serait à l’origine du pain d’épice de Pithiviers.
Après la mort de Grégoire, la renommée de l’ermite est telle que la « vox populi » lui attribua rapidement le statut de Saint, popularité qui perdura à tel point que le lieu-dit se nomme toujours St Grégoire sur le cadastre actuel.
L’église fait l’objet d’un accord entre les cultes catholique et orthodoxe. La commune et le diocèse autorise l’utilisation du bâtiment à la manière des églises orthodoxes.
De nos jours, à l’entrée, la cloche tintinnabule fréquemment afin que vienne s’ouvrir la porte aux nombreux visiteurs arméniens et autres.

 

Les lieux sont entretenus avec dévouement et enthousiasme par sœur Anne, personnage à la forte personnalité, qui œuvre pour récolter des fonds pour restaurer ou du moins conserver l’intégrité du bâtiment. Parallèlement à la vente de friandises et bougies, elle a créé un original musée d’œufs décorés (Pissanka). En effet, la Pâque orthodoxe est une fête chrétienne, qui se rapporte à la résurrection du Christ. Traditionnellement, c’est l’occasion de teindre en rouge et décorer des œufs qui feront office de porte bonheur. Coïncidence amusante (ou divine), l’église est située sur le plateau qui surplombe la vallée de… l’Œuf, affluant de l’Essonne.
La collection exposée est impressionnante tant par la diversité des décors que par les provenances et matières et ajoute un intérêt certain à la visite de l’église.


 

L’apparence de l’église ne présente pas d’originalités spectaculaires, mais on remarque rapidement qu’elle fut l’objet de transformations importantes, notamment avec le décrochement de la voûte de la nef.

 

Le chœur est précédé d’un arc triomphal en anse de panier de style pré-roman caractérisé par l’absence de clé de voûte.


Comme bien souvent, la courbure surbaissée de l’arc est due à l’écartement des impostes, conséquence vraisemblable de la suppression des absidioles qui faisaient également office de contrefort.

 

L’abside se présente sous la forme d’un quart de sphère (dit en cul de four). Orientée vers le Sud-Est, elle est éclairée par trois petites fenêtres.


Les arcatures aveugles des cotés latéraux de l’abside devaient communiquer avec les absidioles aujourd’hui disparues.

 

Le chevet est percé d’une porte donnant sur une fosse accessible par quelques marches. C’est dans ce caveau que fut inhumée la dépouille de Grégoire († aux environ de l’an 1000).
Devant l’affluence provoquée par la renommée de l’ermite, la dépouille fut rapidement transférée à l’église de Saint-Salomon de Pithiviers qui se partage actuellement les reliques avec l’église d’Estouy.


 

La nef est surmontée d’une voûte en lambris surmontant des entraits du XVème siècle. Ces boiseries mériteraient, ainsi que les murs, d’être débarrassée d’une couche de peinture aux effets décoratifs de mauvais aloi qui ne met pas en valeur les poutres chanfreinées.

 

Sœur Anne s’efforce d’agrémenter l’austérité de l’édifice à l’aide de nombreuses icônes traditionnelles orthodoxes.

 

Accolée au bâtiment, une tour abritant un escalier en bois datant vraisemblablement du XV ème permet d’atteindre les combles.
C’est bien connu, le chemin menant au ciel est truffé d’embûches et chaque degré doit être franchi avec beaucoup de circonspections !

 

La partie la plus praticable des combles est située au dessus de la travée précédant le chœur. Cette soupente a été aménagée lors de l’érection d’un petit beffroi. Se faufiler parmi ces vieilles charpentes est toujours aussi émouvant. C’était le but principal de ma visite et je n’ai pas été déçu par l’ambiance qui se dégage de l’enchevêtrement des poutres.

 

Une échelle mène à la flèche abritant une petite cloche.


L’état délabré des barreaux nous a dissuadés de tenter l’ascension! On peut quand même entrevoir l’enrayure de la base de la flèche.

 

Un trou d’homme ménagé dans le mur donne l’accès à l’extrados de la voûte qui couvre le chœur.


Des vestiges d’arcature englobés dans la maçonnerie ajoutent des interrogations relatives à la chronologie des transformations du bâtiment.

 

A l’opposé de la soupente (Nord-Ouest), une petite escalade dans les poutres permet d’entrevoir la charpente qui soutient le lambris de la nef.

 

Au long de la cloison, un curieux élément de charpente en arc de cercle évoque la possibilité de présence d’ anciennes galeries latérales dans la nef.
Malgré l’apparente simplicité de l’architecture, les différentes modifications (dès le XI ème siècle) ont transformé l’église au fil du temps. Tenter d’interpréter les indices fait partie d’un jeu d’enquête passionnant, mais aux nombreuses incertitudes.


Proposition de l’abbé Moufflet évoquant de possibles tribunes d’avant-chœur destinées aux chorales. « Chorus psalentium ». Cette suggestion est sujette à contestations.

 

Bon, il faut bien abandonner le terrain aux araignées et descendre en se faisant le plus léger possible.

Manifestement, la dernière personne à avoir emprunté l’escalier n’a pas rendu toutes les marches !

 

Je l’ai évoqué, l’église présente des signes de faiblesse inquiétants.


A l’extérieur, les défaillances de la couverture sont bien visibles. Si rien n’est fait, les prochaines manifestations intempestives de la météo vont rapidement profiter de ces faiblesses et provoquer d’importants dégâts.


 

Une course contre la montre est engagée pour sauvegarder cet édifice plus que millénaire. La municipalité de Bondaroy inscrit son intention de sauvegarde à l’opération lancée mutuellement par Sœur Anne, l’association Connaissance et Sauvegarde du Patrimoine et la Fédération Archéologique du Loiret.

 

Hangar à dirigeables d’Écausseville

 

Une bien curieuse structure domine les haies du bocage normand.

On devine assez rapidement que cet imposant édifice a été érigé à des fins militaires, la région en est truffée, mais la surprise vient du fait que l’édifice a été construit en…1918. Nous sommes bien éloignés des champs de batailles de la Grande Guerre symbolisés par les tranchées, cependant, nous trouvons ici un rappel que la Grande Faucheuse a exercé sa redoutable moisson également dans le domaine maritime.
A partir de 1917 l’Allemagne intensifie les attaques sous-marines contre les convois important notamment du charbon, les principales mines françaises du Nord étant sous le joug des Allemands.

 

Pour contrer cette guerre sous-marine, l’Amirauté française installe plusieurs bases de ballons dirigeables.


Dès 1916, protégé des vents d’Ouest, le site d’Ecausseville est choisi pour l’implantation d’une de ces bases. Un premier hangar en bois est construit. Long de 120 mètres, il accueille les dirigeables livrés par les Anglais ainsi que les Zodiac commandés par la marine française. La taille de ce hangar nécessite de finir l’appareillage du dirigeable à l’extérieur du bâtiment où deux paravents latéraux sont chargés de soustraire le dirigeable des caprices du vent. (Ce premier hangar, endommagé par une tempête en 1931, a été détruit en 1933.)
La marine fait preuve d’innovation en commandant l’édification d’un second ouvrage en béton armé cette fois. Pour l’époque, la construction d’un tel ouvrage entièrement en béton est audacieuse et mérite que l’on s’y attarde d’autant qu’il est l’unique survivant des douze bases conçues par l’Amirauté pendant la première guerre mondiale. L’utilisation du béton est toute récente, en effet ce hangar est seulement le troisième édifice d’importance construit à cette époque. Sa conception servira de modèle pour les Cours de béton armé de l’Ecole Spéciale des Travaux Publics.
La construction est confiée à Henri Lossier, architecte suisse. Le défi est de taille, en effet, le volume nécessaire pour abriter un dirigeable est impressionnant. Le bâtiment, long de 150 mètres, possède une hauteur de 30 mètres et bien entendu, l’espace intérieur doit être complètement dégagé pour accueillir les mastodontes. Pour répartir au mieux les différentes contraintes, Lossier choisit d’ériger une voûte dont le profil est semblable à la parabole matérialisée par une chaîne suspendue à deux points d’attache horizontaux.


La taille des personnages donne une idée des proportions de l’édifice.

 

L’édifice est formé de trois modules de 9 fermes. Ces modules sont reliés par des joints de dilatation de deux cm. Du fait de leurs dimensions, les fermes, espacées de 6.25 mètres, ont été coffrées et coulées à demeure contrairement aux pannes qui furent moulées à terre.


Exemple de coffrage:

 

La voûte possède trois rotules d’articulation chargées d’absorber les éventuelles déformations dues à la pression du vent souvent taquin en Normandie.

 

La structure est recouverte par des tuiles elles aussi en béton.


 

Le pignon non amovible fermant une extrémité du hangar, par sa surface, offre une grande prise au vent. Il est complètement indépendant de la structure afin de ne pas transmettre des déformations à cette dernière. On perçoit le jour entre le pignon et le berceau de la voûte. L’assise est maintenue, par une structure extérieure de poutres en béton. Toutes ces mesures se sont révélées efficaces puisque le hangar a essuyé jusqu’à maintenant toutes les tempêtes sans faillir.

 

La porte amovible était elle aussi complètement indépendante de la structure. Elle était formée de deux vantaux coulissants sur rails. Pour assurer la stabilité du panneau, ce dernier était muni d’un contrepoids en béton de 30 tonnes posé sur un bogie. L’ensemble vantail/contrepoids, coulisse sur des rails.


Maquettes exposées au musée AEROBASE :

 

Construit à des fins militaires, ce défi architectural n’a paradoxalement jamais participé au conflit puisqu’il n’a été opérationnel qu’en 1919. Pendant l’entre-deux guerres, l’armée abandonne l’usage des dirigeables en 1936. On sait peu de choses concernant la période de l’occupation allemande si ce n’est le fait qu’une tornade du 14 Novembre 1940 a eu raison des portes coulissantes à la suite d’une mauvaise manœuvre. La fonction d’accueil de dirigeables étant devenue obsolète, le pignon a été fermé par un mur de parpaings.


Le hangar servit ensuite d’entrepôt pour l’armée américaine. Les murs témoignent encore de ces différentes occupations.

 

De 1946 à 1994, l’armée utilise le bâtiment comme lieu de stockage pour différents matériels.
De 1967 à 1969, il retrouve une fonction militaire avec la mise au point des ballons destinés aux essais des premières bombes H françaises. Pour bénéficier d’une hauteur supplémentaire, une fosse est aménagée.


Quelques guérites attestent de la sécurisation du site.

 

En 2003 le bâtiment est classé monument historique. En 2008 la communauté de communes achète le hangar et confie l’entretien et l’animation à l’Association Les Amis du Hangar à Dirigeables d’Ecausseville, charges dont elle se tire avec brio malgré l’ampleur de la tâche.
Vous pourrez vous envoyer en l’air et vous sentir léger. Un petit musée où figurent de belles maquettes complète la visite.

 

Vous pourrez compléter votre soif de savoir en consultant le site très complet de l’association, c’est là que j’ai puisé tous les renseignements. Il suffit de cliquer sur la bannière !

Minoterie

 

Après avoir été au four, nous voici au moulin. Grace à la gentillesse d’un particulier, j’ai pu visiter un ancien moulin à eau resté dans « son jus » depuis sa fermeture. Hormis les roues à augets, hélas disparues, tout est resté en place ce qui fait de ce lieu un endroit assez exceptionnel pour essayer de comprendre comment il n’y a pas si longtemps on passait du grain à la farine sans autre énergie que l’eau… et la sueur.
Un bief long de 600 mètres a été creusé pour apporter l’eau au moulin. Le tracé astucieux de son profil rend possible l’aménagement une chute d’eau de 5 mètres dans le bassin où tournaient les roues.

Des bassins de rétention permettent d’avoir une réserve d’eau suffisante pour faire tourner le moulin pendant une semaine. Le niveau d’eau est contrôlé par des vannes à crémaillères, l’excédent étant canalisé jusqu’à la rivière. Le débit de l’eau est un facteur primordial puisque la vitesse de rotation du moulin en dépend. Le dernier bassin avant la chute joignait l’utile à…l’utile puisqu’il servait également de lavoir.

 

La trace la plus ancienne concernant ce moulin se trouve aux archives dans un document relatif aux impôts payés au seigneur local (la taille) en 1688 ! Une pierre gravée nous indique la date d’une modification des infrastructures.


Dans sa configuration finale le moulin possédait une roue qui entraînait les meules à blé et une autre roue pour les meules à orge et sarrasin. Cette dernière roue actionnait également le banc de scie. Les roues ont disparu mais on peut encore voir un arbre de rotation qui traverse le bassin. Les structures au dessus devaient servir à soutenir les canaux en bois chargés de diriger la chute d’eau vers les augets.

 

Vous savez que Baguenaudes a depuis longtemps un petit grain, voyons comment le transformer en farine :

 
L’édification du bâtiment a mis à profit la déclivité du terrain de façon à obtenir 2 étages accessibles de plain-pied surmontés d’un troisième palier.
La répartition verticale des différents ateliers se présente ainsi :

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A l’étage intermédiaire, le grain est versé dans la trémie située au premier plan.

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Au bas de cette trémie, au rez-de-chaussée, il est dirigé vers un élévateur à godets qui élève les grains au dernier étage du bâtiment.

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L’espacement des godets sur la bande de cuir de porc régule le débit d’alimentation des grains (Engrainage).

 

A l’étage supérieur, un tarare brasse les grains au dessus d’une grille afin de les débarrasser des impuretés. Seules les graines de blé sont épurées, le sarrasin étant une graine « propre ». Quant à l’orge, elle ne nécessite pas d’être épurée puisque destinée aux farines animales.

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Une vis sans fin achemine le grain épuré dans une trémie à l’étage inférieur.

 

L’orifice inférieur de cette trémie est prolongé par l’auget, sorte de goulotte qui draine les grains vers l’oeilard des meules.

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Un deuxième auget est prévu pour récolter en sac les grains destinés à la semence.

 

Pour obtenir la mouture, le grain est broyé entre deux meules en pierre. La meule inférieure est fixe (dormante ou gisante) tandis que la supérieure (tournante) tourne sur son axe centrale. La transmission de la rotation de l’arbre moteur à la meule tournante est assurée par l’anille. Cette pièce de fer est enchâssée dans la face inférieure de la meule. L’anille permet également de régler l’espace entre les deux meules suivant la mouture désirée.

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Il arrive que l’arbre moteur soit prolongé au travers de la trémie de façon à brasser le grain pour réguler son acheminement vers les meules.

 

L’arbre moteur traversant la meule gisante, l’étanchéité est assurée par une pièce en bois : le boitard. On peut l’entrevoir avec cette vue de dessous.

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Bien entendu, la qualité de la pierre est primordiale. Trop tendre, le grain ne sera pas correctement broyé et plus tard, le son sera difficilement séparé de la farine. Trop dure, la farine obtenue sera trop fine et difficilement panifiable. De plus, elle se conservera moins.
Les surfaces abrasives des meules sont striées pour déchiqueter les grains et guider la mouture vers l’extérieur grâce à la force centrifuge.
Pour compenser l’usure, les surfaces et rainurages des meules doivent être régulièrement rhabillées, c’est-à-dire repiquées à l’aide de bouchardes. Cette opération qui demande une semaine de travail était souvent effectuée par des spécialistes itinérants. Voici des fers destinés à cet usage.

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L’apport régulier des grains est très important. A vide, les meules tourneraient trop vite et frottant l’une contre l’autre s’useraient davantage. De plus, dans cette atmosphère pulvérulente la moindre étincelle peut provoquer un incendie dévastateur. Ces accidents furent suffisamment fréquents pour inspirer la comptine célèbre encourageant le meunier à rester éveillé.

 

Afin d’éviter la dispersion de la mouture, les meules sont carénées par un coffrage circulaire (archure). Cette forme circulaire a été imposée par réglementation afin d’éviter aux meuniers de détourner une partie de la farine qui serait accumulée dans les encoignures d’une archure carrée. A tort ou à raison, les meuniers ont très souvent eu mauvaise réputation. Leur opulence et la complexité de l’appareillage ont favorisé les soupçons de détournements de grains ou farines. Etant la plupart du temps payés en matière première, il était tentant de dissimuler quelques trappes destinées à rouler le paysan…dans la farine.

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Après avoir été broyée, la mouture est acheminée au rez-de-chaussée par une goulotte afin de séparer la farine du son dans une grande caisse oblongue en bois : le blutoir.

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A l’intérieur de ce coffrage, se trouve une sorte de cylindre rotatif formé d’un châssis à la base hexagonale. Sur les lattes sont tendus des tissus (la soie) aux mailles de moins en moins fines qui servent à tamiser la mouture. La farine récoltée proche de l’entrée est de ce fait la plus raffinée alors qu’à l’autre extrémité, on trouve le son qui est réservé aux animaux. Les tamisages intermédiaires produisent une farine contenant une proportion plus ou moins importante de son : le rebulet. Quels que soient les différents blutages, le son représente environ 18% de la mouture.

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Pendant la rotation du cylindre hexagonal, une latte de bois vertical frappe le châssis pour décoller la farine de la soie. Simple mais efficace !

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Contrairement à l’effet visuel rendu par les photos, le cylindre rotatif est légèrement incliné vers l’aval.
Il ne reste plus qu’à ensacher, peser et livrer. Chaque sac pesant son quintal, le meunier était en général un gaillard costaud !

Minoterie

 

Toute la motricité cette machinerie est assurée par la rotation de la roue à auget dite aussi roue par dessus.

Livre Les moteurs hydrauliques. tome 1 / [signé L. Huard] 
Parallèle à cette roue, on trouve à l’intérieur du moulin une grande roue verticale : le rouet.

Minoterie

 

La transmission motrice entre le rouet et l’arbre moteur (le gros fer) est assurée par un engrenage vertical appelé lanterne. Les différents diamètres permettent une multiplication de la vitesse de rotation.

Minoterie

 

Il faut remarquer que les dents du rouet sont en bois. Ces alluchons sont en contact avec les dents en fer de la lanterne. Ce sont donc eux qui s’useront et seront facilement remplacés sans qu’il soit nécessaire de changer tout l’engrenage. De plus, la liaison fer-bois diminue le bruit et dispense de lubrification.

Minoterie

Les alluchons sont généralement taillés dans du poirier, bois très dur. Nous sommes en Normandie où les plantations de poiriers étaient nombreuses. Bois, fruits, poiré pour étancher la soif, l’exploitation de ces fruitiers était optimisée.

 

Le progrès aidant, un générateur récupéré sur un avion abattu par la DCA allemande, a permis l’électrification d’où ce magnifique tableau.Minoterie

Minoterie

 

La description de cette minoterie ne serait pas complète si on ne parlait pas de l’implantation d’une scierie dont la lame circulaire est ,elle aussi, actionnée par la force hydraulique.


En aval de la scierie, le bief est aménagé en bassin où était déposés les troncs en attente de débitage. Ainsi, avant de regagner le cours naturel de la rivière, l’eau aura participé à l’alimentation des hommes et des bêtes , elle aura produit de l’électricité et permis le débitage des troncs d’arbres, tout çà de la manière la plus naturelle qui soit.

 

L’essor des minoteries industrielles, conjugué avec la baisse de la consommation de céréales (notamment du pain) a impliqué une surproduction structurelle à la fin de la première guerre mondiale. Les décrets lois de 1935 instaurèrent, d’une part, un plafond de production par moulin, (le contingent) ainsi que l’interdiction de création de nouveaux moulins. Un moulin démuni de contingent n’a pas le droit de produire de la farine à destination « humaine ». Depuis 1953 le « droit de mouture » peut être partiellement ou totalement cédé ce qui a favorisé la création de « grandes » minoteries.
 

Il semblerait qu’il y aurait un renouveau d’intérêt pour des farines provenant des meules en pierres. Elles posséderaient des richesses nutritionnelles supérieures aux moutures des grains écrasés à l’aide de cylindres. Souvent associées à une culture bio, ces farines mettent en avant des arguments de vente non négligeables.
Voila achevé le tour de cette minoterie*, témoignage assez exceptionnel par son état de conservation. Décorée de toiles d’araignées et de poussières, il s’y dégage une ambiance particulière bien différente des musées aseptisés. Je ne donnerai pas d’indication concernant son emplacement dans le but de respecter la tranquillité de son aimable propriétaire.
*Minoterie ou meunerie, les deux mots sont synonymes, je n’ai pas trouvé ce qui pourrait les différencier.

 

Mine de May sur Orne

 

C’est un peu tombé dans l’oubli, mais la Normandie a été dans le passé une des principales régions sidérurgique française. Exploitée dès le XVIIe ,la production de minerai de fer a atteint son apogée en 1960. Ensuite le déclin s’amorce inexorablement. En 1993 la dernière coulée sortira des hauts fourneaux de la SMN situés à la périphérie de Caen.
Ma boîte à souvenir en bandoulière, je pars à la recherche de quelques vestiges susceptibles de diminuer ma nescience concernant ces activités disparues.
A May sur Orne, la ville est implantée au-dessus d’ une importante mine de fer qui fonctionna de 1896 jusqu’à 1968. L’exploitation « moderne » débuta sous la houlette de capitaux allemands avant la Grande Guerre. Durant le conflit, De Wendel et Schneider se livrèrent une lutte acharnée pour reprendre les concessions.
Historique détaillé hand-cursor

 

Que reste-t-il de cette épopée minière ? Pas grand-chose à photographier. Sur la rive droite de l’Orne, débouche le cavage d’une galerie d’exhaure. Les galeries ont servi de 1970 à 1983 pour stocker des hydrocarbures. La grille obturant l’entrée m’ôte tout espoir de visite souterraine et des effluves de fuel sont encore nettement perceptibles. Cette porte donne l’accès aux travaux souterrains afin de contrôler l’évolution des terrains situés en dessous de la ville.

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Si l’extraction se faisait rive droite de l’Orne, l’expédition par voies ferrées se déroulait rive gauche. Deux convoyeurs aériens sont achevés en 1933 pour véhiculer le minerai des puits d’extractions jusqu’aux terminaux de chargement. Les silhouettes décharnées des concasseurs-accumulateurs qui surplombaient les voies ferrées sont encore debout

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Après leurs démantèlements, je dois avouer que ça vieillit bien mal et qu’il faut beaucoup de volonté pour y trouver un intérêt esthétique. Accordons quand même à l’escalier hélicoïdale une certaine élégance.

 

Sur un des deux terminaux, on peut encore accéder sans trop de risques au premier étage et profiter de la vue.

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Continuer plus haut entrainerait une prise de risque inutile.
A l’étage supérieur, au travers des poutrelles métalliques, on peut entrevoir les restes d’un moteur.

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Retour sur le plancher des vaches où , les trémies ont des allures de distributeur de bonbons PEZ.img_1037may

D’autres vieilles dames résistent tant bien que mal aux outrages du temps et souffrent d’un blocage de l’articulation mandibulaire définitif. Leurs dentiers usés laisse entrevoir des blocs de minerai.

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Le poste d’aiguillage n’offre pas d’intérêt autre que de servir de défouloir aux amateur de tags. Je déclenche malgré tout mon appareil photo afin de conserver quelques « taguérotypes » en souvenir du temps passé.

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En 1956, d’importants aménagements ont lieu. Fonçage du puits central à May sur Orne. Le minerai est acheminé par convoyeur à bandes, concassé puis stocké dans d’importants silos édifiés rive droite. Le minerai franchissait ensuite l’Orne au dessus du pont minier jusqu’aux quais de chargement.

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On peut deviner sur les bords de la passerelle les emplacements vides où se logeaient les poteaux soutenant le convoyeur.

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Le silo-concasseur Nord a été recyclé et une rampe munie d’un convoyeur à bandes a été construite pour amener la pierre d’une carrière de grès voisine.

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Pour la petite histoire, derrière le silo, une piste bétonnée et pentue m’a interloqué ne voyant pas quel pouvait être son usage par rapport à la mine. Renseignements pris, cela n’a rien à voir, cette piste servait pour effectuer des tests de pente pour la SAVIEM.

Bref, il ne reste vraiment pas grand-chose et on ne peut pas dire que la patine du temps arrange ni embellisse ces vestiges . Certes, on peut trouver que ces ruines font tache dans le paysage et que leur ancienneté n’est pas assez grande pour mériter le label « patrimoine ». Cependant,ils sont les derniers symboles de l’épopée minière qui a fortement impacté la région. Je crains que la dégradation inéluctable entraîne une « mise en sécurité » qui se bornera à tout raser.
Je remballe mon appareil à clics et mes claques pour prendre la direction du plateau où se situait le complexe sidérurgique de la Société Métallurgique de Normandie à Mondeville en espérant trouver quelques traces.
A bientôt…

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Eolienne Bollée

 

On peut encore avoir la chance de croiser (en cherchant bien) de curieuses constructions métalliques qui peuvent rapidement provoquer quelques interrogations quant à la manière dont fonctionne le machin.
Qu’a t’on à gagner en haut de ce poteau aux allures de mats de cocagne ? Du vent… mais un vent qui fut précieux.

 

Dès le XII é siècle le vent a été mis à contribution pour mouvoir des mécanismes chargés de moudre du grain ou pomper de l’eau .
Alors que le développement de l’agriculture demande toujours davantage d’irrigation, ces mécanismes sont hélas d’un faible rendement. On ne peut agrandir indéfiniment la taille de ces turbines sans qu’elles deviennent vulnérables aux coups de vent.
C’est là qu’interviennent Ernest-Sylvain et Auguste Bollée (1814-1891). Issus d’une famille d’inventeurs, ils créent un type de turbine qui n’est pas dénué d’élégance et qui s’oriente tout seul pour un rendement optimum. Ce dernier est amélioré par une combinaison d’un stator et d’un rotor. De plus, un ingénieux dispositif met la turbine en sécurité quand Eole fait des siennes.
En 1885, Bollée baptise son système : Eolienne qui devient par le fait le nom commun validé par Larousse en 1907.
Quatre modèles sont crées :

Source wikipédia.

 

Environ 500 exemplaires furent installés. Un siècle plus tard, il en reste une petite centaine en place dont une dizaine sont classées.
Certaines sont érigées au sommet d’ un pylône, d’autres, au faîte d’un joli mât haubanné.

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En préambule, j’ai évoqué quelques interrogations concernant plus précisément le principe, voici les réponses que j’ai trouvées:
Gros plan sur un stator de modèle 3 :
Les 44 déflecteurs fixes sont chargées de diriger le vent vers les pales du rotor.


Sur l’autre face, nous avons le rotor avec ses 32 pales rotatives.


Un engrenage conique transmet le mouvement rotatif à l’arbre vertical.

 

Jusque là rien de bien compliqué, mais Bollée a mis au point un ingénieux système qui oriente systématiquement la turbine dans une position optimum. (Perpendiculaire au vent). Il n’y pas de mal à doper la turbine !
Le principe repose sur la rotation d’une petite hélice (moulinet gouverneur) située en amont du stator. Sa position est basse afin que la turbine ne masque pas la prise au vent.

 

Comment ça marche ? C’est très simple (enfin presque !). Je vous explique ça en coups de vent
Conditions initiales :

1) Le moulinet gouverneur est installé sur une structure pouvant pivoter de 90° autour d ’un axe vertical au bout d’une charpente solidaire de l’ensemble moteur stator-rotor. Il est maintenu dans une position perpendiculaire au stator-rotor par un contrepoids (ou un ressort calibré dans les premiers modèles). (Nous verrons plus loin comment).


A – VENT INFERIEUR A 6 OU 7 M/S :
1) le vent est face au rotor : il le fait tourner, le rotor actionne les pompes, le moulinet est en drapeau, les pales restent immobiles;
2) Si taquin, le vent change de direction: Le moulinet n’est plus en drapeau et ses pales se mettent à tourner. Le système d’engrenage fait pivoter le stator-rotor sur son axe vertical. Quand le moulinet se trouve parallèle au vent (en drapeau), la rotation de l’ensemble s’arrête. Le stator-rotor (maintenu perpendiculairement au moulinet ) se retrouve face au vent de manière optimum et le rotor tourne.

 

B – VENT SUPERIEUR A 7 M/S (vitesse dangereuse car risque d’emballement) :
La force exercée par le vent devient supérieure à celle exercée par le contrepoids. Le moulinet n’est plus maintenu dans une position orthogonale par rapport au stator-rotor.
1) La force du vent bascule toute la structure portant le moulinet. Celui-ci, qui était en drapeau par rapport au vent, a tendance sous l’action du vent à pivoter et présenter ses pales au vent.
Les pales se mettent à tourner et le moulinet fait pivoter le stator-rotor. Toujours repoussé par le vent, le moulinet continue de pivoter sur son axe jusqu’à se retrouver en drapeau dans une position parallèle au stator-rotor. Moulinet et stator-rotor se retrouvent en drapeau et cessent de tourner. La structure porteuse du moulinet, ayant atteint la position maximale de bascule (90°), y est définitivement maintenue par un loquet et ne peut donc revenir à sa position normale, les pales du gouverneur restent en drapeau.


Notons que Bollée a pensé à tout :
Tant que la structure du moulinet n’a pas atteint sa position maximale, si le vent faiblit, le contrepoids redevient opérant, replaçant la structure du moulinet perpendiculaire au stator-rotor. On se retrouve dans le cas de figure A
Si le vent fripon change de direction.
L’ensemble stator-rotor est décalé angulairement par rapport au vent : les pales du moulinet tournent de plus en plus vite et amènent le stator-rotor retors en position perpendiculaire au vent. Cette position d’emballement ne dure pas car aussitôt sa structure est repoussée par la force du vent et on se retrouve dans le cas B-1.

Les animations sont très fortement inspirées de ce document :
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L’ingéniosité d’un tel système mérite que l’on s’y attarde.
1/ Quand le vent est normal, le contrepoids bleu, en tirant sur le câble bleu, maintient la structure rose de façon que le moulinet soit perpendiculaire au stator-rotor.
Quand le vent augmente au delà d’une certaine limite, la force exercée par Eole sur le moulinet est plus grande que celle exercée par le contrepoids bleu. La structure rose pivote vers la droite.
A ce moment, deux cas de figure:
a/ Si le vent faiblit, le contrepoids bleu ramène la structure rose en place. (1/).
b/ Le vent forcit. La structure rose continue de pivoter jusqu’à se retrouver en butée sur le bâti fixe. Un arrêtoir monté sur un ressort bloque la structure dans cette position de sécurité. Pour rendre le système opérationnel, il faut alors tirer sur la chaine ( flèche mauve ) ce qui a pour effet d’effacer l’arrêtoir. Ainsi le contrepoids bleu peut ramener la structure en position opérationnelle.

Voici une photo du dispositif aimablement fournie par l’ASEPA:

 

Je fais le malin, mais toutes ces explications sont dues à mon ami JP. que je remercie vivement pour ses connaissances et sa patience. Je vous encourage à lire son excellent article sur l’éolienne de Pomponne. hand-cursor

La similitude des procédés démontre bien la production industrielle.

 

A cette époque, l’utile pouvait se parer de délicatesse. Le mat verticale abrite l’arbre qui transmet le mouvement rotatif.
Autour de ce mat un élégant escalier s’enroule pour desservir une petite plate forme protégée par une rambarde au profil gracieux.

On apprécira l’esthétique art déco des lettres matérialisant les points cardinaux ainsi que la découpe de la girouette.

 

Ces éoliennes ont été conçues pour actionner des chaînes à godet ou des pompes. Dans la pratique, il semblerait que seules les pompes ont été mises en pratique.
Veuillez bien pardonner la qualité des photos suivantes prises au travers d’un plexiglas plus franchement transparent.
Au pied de l’éolienne, l’arbre vertical, à l’aide d’engrenages coniques, met en mouvement le vilebrequin des pompes. Un grand volant d’inertie est chargé de réguler le mouvement


La présence de la poulie en bois à droite me fait supposer qu’ un moteur (gaz, pétrole ?) devait prendre le relais en cas de pénurie de vent.

 

Le progrès est passé, stator et rotor ont remplacé courant d’air par courant tout court et la fée électrique a fait disparaître les éoliennes Bollée de nos paysages ruraux. Plus tard Sheila chantera : Eole est fini, éole est fini etc.

Les deux éoliennes qui ont servi de support à cet article se trouvent à Courville-sur-Eure et Berchères-les-Pierres en Eure et Loire.
La liste complète: hand-cursor
Un article complet (qui omet quand même la description du système d’orientation) hand-cursor
Ci-dessous, plaque apposée sur le prototype élevé dans la propriété Bollée en 1872.

Plaque de Berchères les pierres 1896

Fours à chaux normands (2)

 

Début de l’article consacré aux four à chaux hand-cursor

 

Nous suivons les traces des chaufourniers sur l’autre rive de la Vire où se trouvent deux autres sites conçus avec le même principe. Une mise en valeur est en cours de réalisation.
Commençons par les fours du Bahais adossés au coteau.

Four à chaux (17)

 

Là aussi, seules les chauves souris ont accès aux structures internes. Par contre, on peut accéder à la partie supérieure de l’édifice avec vue sur les gueulards.

Four à chaux (21)

Au nadir des orifices, (E pericoloso sporgersi) on devine également un cône, mais ici, pas moyen de pénétrer au pied du four pour observer la disposition des lieux.

Four à chaux (19)

 

La visite continue en empruntant un chemin parallèle à la Vire. Il nous conduit aux imposantes murailles des fours du Hamel Bazire.

Four à chaux (35)

 

Les embrasures spectaculaires débouchent dorénavant sur une esplanade dont l’ambiance champêtre est sûrement bien éloignée de l’agitation besogneuse qui devait régner au cours de l’exploitation. Plus aucune trace des concasseurs broyeurs etc, seul un tronçon de rails Decauville subsiste dans les broussailles.

Four à chaux (24)

 

La base des édifices est desservie par des corridors de toute beauté. Il est à souhaiter que la rénovation des lieux laisse la possibilité de les parcourir.

Four à chaux (36)

 

A la base de ce four, on compte huit ouvreaux de petite taille au ras du sol. Là aussi, je m’interroge quant à l’ergonomie du système. La taille des ouvertures doit avoir une influence concernant le contrôle de la calcination.

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On remarque que la base des piliers comportant les ouvreaux est en pierre contrairement à la partie supérieure en briques.

Four à chaux (23)

 

Faisons un grand saut vers l’Ouest afin de continuer nos visites par les augustes fours à chaux du Rey proches du petit port de Regnèville. Leurs tailles donnent bien une idée de l’importance de l’usage de la chaux à l’époque.
Édifies en 1852 par Victor Bunel, les quatre fours fournissaient plus de 20000 tonnes de chaux annuellement. La proximité du port offrait de grandes facilités d’exportation, mais aussi d’importation. En effet, la calcination en continu était grande consommatrice de charbon, ce dernier arrivait en provenance du Pays de Galles.
Le site est impressionnant avec ses allures de château fort.

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Four à chaux (32)

 

Si le principe de cuisson est semblable aux fours précédents, on note des différences notables. Les embrasures sont spacieuses, pas assez cependant pour permettre le passage d’un tombereau attelé.

Four à chaux (29)
La position surélevée des ouvreaux permet une extraction plus aisée. En dessous, se trouve le cendrier qui collecte la chaux poudreuse mêlée de cendre de charbon (menue chaux).

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L’autre grande différence provient de la présence de foyers secondaires placés à mi-hauteur. Ils permettent de relancer éventuellement la combustion et de contrôler le tirage.(Procédé Simonneau.)

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On accède à ces foyers intermédiaires par les coursives qui parcourent les murailles.

Four à chaux (31)

 

On imagine sans mal le terrain de jeux pour gamins que présentait ce site en friche avant que le Conseil Général en fasse l’acquisition en 1987.

Four à chaux (3)
Maintenant, il est propre comme un sou neuf et son entrée payante donne également accès à un musée maritime.

 

Faisons un autre petit saut géographique et temporel. Proche de Caen au milieu d’une friche, on peut encore trouver les ruines de fours à chaux plus récents. Le démantèlement du site ainsi que les Michel-Ange locaux font que les lieux sont en piteux état.
Si on ne peut trouver d’intérêt plastique à ces vestiges, on peut tenter d’y découvrir des éléments susceptibles d’éclairer notre lanterne sur le fonctionnement des fours à chaux. Hélas, bien que l’arrêt de l’exploitation doit remonter aux années 1950, je n’ai pratiquement pas trouvé de documents concernant cette exploitation malgré son importance.

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Ces fours fonctionnaient en parallèle à l’exploitation d’une importante carrière souterraine de pierres à bâtir. On peut supposer que les déchets de taille servait de matière première à la fabrique de la chaux.

A proximité des fours, un puits d’extraction profond d’une quinzaine de mètres débouche au fond dans la carrière souterraine.

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Voici tout ce qui reste du système qui véhiculait la pierre à cuire de la carrière aux gueulards situés au-dessus de notre tête.

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En se frayant un chemin dans les gravas, on peut pénétrer au pied de deux grands fours. La vue en contre-plongée de ces « puits » offre un spectacle toujours spectaculaire.

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La partie dégradée de la paroi du four permet de constater que les briques réfractaires qui tapissent les parois du four reposent à la base sur une cornière métallique circulaire.

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Au-dessus des ouvreaux de taille respectable, des équerres métalliques sont fixées laissant supposer un usage en rapport avec la sole.

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Face à ces deux fours, l’autre partie des bâtiments enferme deux autres fours de taille plus modeste.

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Les gueulards obturés font que les parois, recouvertes d’une épaisse pellicule, ont conservé une belle couleur éburnéenne.
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Pourquoi deux tailles différentes de four sur ce site ? Aucune idée et une fois de plus, nous quitterons les lieux quelque peu frustrés de ne pas en connaître les tenants et aboutissants.

En Normandie, les vestiges de fours à chaux sont relativement nombreux. La proximité de la Bretagne, dont le sol acide nécessitait d’être amendé, ainsi que le centre sidérurgique de Caen plus récemment, ont offert des débouchés pour cette industrie.

Si le principe de cuisson est à peu près partout le même, chaque four possède ses caractéristiques qu’il est bien difficile d’expliquer après coup. Peut être qu’un spécialiste comblera nos lacunes.

 

J’aurai bien aimé conclure sur une note joyeuse, mais coïncidence malheureuse, je viens d’être témoin en direct dans l’Aveyron de la mise à mort d’un four sacrifié sur l’autel de l’amélioration du réseau routier.

Four à chaux (25)

Le four a chu
Il appert que beaucoup me chaut !

 

Fours à chaux normands

Chaux devant !
Ce que j’apprécie particulièrement à la vue de ces vestiges industriels, c’est l’architecture uniquement fonctionnelle. Ici, pas de fioriture ni de superflu. Le ciment et ses constructions industrielles normalisées n’ayant pas encore fait leur apparition, les ruines de pierres ou briques conservent ainsi une belle allure qui s’intègre harmonieusement dans le paysage grâce à l’utilisation de matériaux locaux.
Sur les rives de la Vire, plusieurs fours dressent encore leurs imposantes structures. Utilisée dès l’antiquité pour amender les champs et la maçonnerie, la chaux était un élément important dans l’activité rurale. L’avènement de la sidérurgie a augmenté considérablement les besoins, la chaux faisant partie du cycle de l’élaboration de l’acier.
Le principe de fabrication est simple puisqu’il suffit de porter du calcaire à une température de 900° minimum pour obtenir de la chaux vive.
Le passage à l’acte est un peu plus complexe et le fonctionnement des fours demandent un grand savoir-faire de la part des chaufourniers.
Je dois avouer que la visite des lieux m’a apporté autant de questions que de réponses concernant les subtilités de ce métier.
En général, les différents types de four de calcination se présentent sous la forme d’un puits de forme ovoïde qui s’alimente par le haut et se vide par le bas. Ensuite, cela se complique.
La calcination du calcaire s’effectue dans deux types de four dits à combustion intermittente ou à combustion permanente.

 

Les fours de Cavigny font partie d’un complexe industriel datant de la moitié du 19e. Ils ont été construits sur les plans d’Alfred Mosselman, industriel franco-belge, qui a beaucoup œuvré en Normandie. L’activité a perduré jusqu’en 1930. L’apparition des engrais chimiques et l’usage du ciment entraînèrent la fin de l’activité.
De chaque côté de la Vire, trois sites sont classés.
Commençons la visite par le site privé de La Meauffe.
A proximité des fours, la carrière de calcaire est devenue un charmant petit lac où la brise normande donne la chair de poule à la surface.

Four à chaux (39)

 

Une vue aérienne datant de 1947 donne une bonne idée du site.

Four à chaux (2)

 

Sur le plancher des vaches, si les bâtiments annexes ont disparu, on retrouve les deux constructions qui abritent les fours .

Four à chaux (5)

 

Le premier, comme bien souvent, est adossé à un talus pour faciliter l’accès aux fours qui s’alimentent par le haut. (Gueulard)
Un rapide coup d’œil permet de constater qu’il ait subi des transformations au fil du temps.

La meauffe

 

Déjà la première question sans réponse : Quel pouvait être l’usage de ces trappes en façade ? Contrôle du tirage ? Je ne sais.

Four à chaux (16)

 

Etant donné que l’accès intérieur du bâtiment est réservé aux chiroptères, rabattons-nous vers l’autre bâtiment.

Four à chaux (34)

 

Pour cebâtiment, pas de talus, l’accès aux gueulards s’effectuait à l’aide d’une rampe inclinée aménagée d’une petite voie ferrée.

rampe
Une petite dérivation des eaux de la Vire a permis l’implantation d’une roue à aubes chargée de mouvoir un treuil afin de tracter les wagonnets.

roue a aubes

 

La bâtisse est longée d’un petit chenal qui conflue avec la Vire. Un quai permettait de verser la chaux dans des gabares. Les vestiges encore en place ne me permettent pas d’en appréhender le fonctionnement.

Four à chaux (11)

 

L’intérieur des bâtiments en briques se présente sous la forme de deux couloirs principaux coupés de traverses orthogonales où la lumière a du mal à se faufiler.

Four à chaux (6)

Au-dessus de nos têtes, les croisées des voûtes ne manquent pas d’élégance évoquant une sorte de mandala au camaïeu d’ocres.

Four à chaux (10)

 

La taille des piliers peut surprendre, mais l’interrogation est vite levée quand on comprend qu’ils renferment la base des fours comme l’indique cette embrasure murée.

Four à chaux (9) 

 

Par ces embrasures, on accède aux huis qui desservent le bas du four. (Ouvreaux). Une porte entrebâillée, après une reptation pénible, me donne accès à l’intérieur du four.

Four à chaux (14)
La vue dans cet espace confiné est assez impressionnante.

Four à chaux (38)

 

Détaillons les lieux :
1/ Au pied, l’aplomb est occupé par un cône en pierre. Je suppose que ce dernier est chargé de guider les pierres concassées vers les ouvreaux. Les barres métalliques coudées devaient servir d’appui à des barres de fer horizontales et amovibles formant une sorte de grille soutenant les blocs de pierre.
Il faut remarquer que la pression verticale exercée sur la grille est atténuée par la forme ovoïde des parois.

Four à chaux (7)

2/ Manifestement les ouvreaux servent à démarrer le foyer ainsi qu’au défournement.
3/ Le revêtement en briques réfractaires commence à 1.50 m. du sol ce qui correspond à la hauteur du cône.
Toutes ces observations me font pencher pour un four à cuisson permanente ce qui est compatible avec la volonté de production industrielle du site.

Les fours se présentent donc à peu près de cette façon (proportions inexactes) :

Four à chaux (1)

 

Concernant la suite, l’avis d’un spécialiste sera le bienvenu.
Avec beaucoup de précautions, je propose cette méthode. Par les ouvreaux, on allume un gros foyer sur lequel on déverse du charbon et une couche de calcaire retenus par les barres métalliques qui font office de sole.

Au fur et à mesure du remplissage, le foyer se déplace verticalement vers le haut Par gravitation, le calcaire calciné descend vers la base du four en se refroidissant. Au travers des ouvreaux, le chaufournier extrait les pierres à l’aide d’un crochet (havets ou ringards) en déplaçant les barres amovibles. Il est étonnant de constater que la taille réduite et la position au ras du sol des ouvreaux ne devaient pas rendre la chose facile. Cela ne semble pas très fonctionnel pour une production industrielle, mais il y a certainement une explication.
Le volume du sous-tirage de la chaux est compensé par l’apport de calcaire et charbon dans le gueulard. Le cycle est ainsi ininterrompu.

Toujours au niveau des interrogations, je suppose que la granularité du concassage du calcaire doit avoir une grande importance afin de permettre le tirage du foyer. Au pied du four, les portes des ouvreaux peuvent permettre de réguler celui-ci ?

Plutôt que risquer de s’étendre en billevesées, nous continuerons la visite des autres fours dans un prochain article. hand-cursor

L’église de Ménil-Gondouin

 

Je vous ai déjà proposé des visites virtuelles d’édifices religieux. J’avoue être assez sensible à la sobriété pour ne pas dire à l’austérité du style roman qui parfois recèle de petites facéties sculptées .
Mais aujourd’hui, nous allons changer complètement de registre avec l’église de Menil-Gondouin, minuscule commune de l’Orne. Je l’ai dénichée par hasard en cherchant autre chose, comme quoi les voies du Seigneur…
Il faut avouer qu’en empruntant une petite route, on ne s’attend pas à passer devant une telle façade !

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Ça pique un peu les yeux ! Nous ne sommes pas loin de ce que l’on pourrait qualifier d’art brut sur un support peu courant, pour ne pas dire unique! L’ensemble est pour le moins original dans cet environnement rural et nous change des représentations de style pompier si fréquentes fin XIXé siècle.
Édifiée en 1870, l’église voit débarquer trois ans plus tard le curé Victor Paysant.
Féru d’archéologie et homme de culture au caractère bien trempé, il est impressionné par l’invention des frères Lumière. Il entreprend alors de décorer son édifice pour en faire, suivant ses dires une « Eglise vivante et parlante ».
Et des mots, il y en a ! Textes en latin et français recouvrent la façade dans un joyeux imbroglio coloré.
Les motivations qui ont guidé Victor Paysant sont difficiles à définir. Les compositions s’apparentent un style naïf or, le curé avait une réputation que l’on qualifierait maintenant d’intellectuel. On pourrait penser également que ce style « BD » serait une volonté de vulgariser les messages pastoraux afin de les rendre plus accessibles, mais cette propagande écrite devait rester indéchiffrable pour la grande majorité des fidèles qui fréquentait son église.
Sans doute inquiet que le curé tagueur ait souillé la bible, le diocèse fit effacer toutes les fresques à la mort ce dernier en 1921. Heureusement, 90 ans plus tard, cette manifestation pas très orthodoxe de la Foi ressuscita grâce à l’initiative de la municipalité. En 2006, la réhabilitation de ce patrimoine unique était achevée.
Une carte postale d’époque montre que la restitution effectuée par les établissements Sineux et frères est très fidèle.

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Cette abondance de messages est bien pratique puisque je n’ai pas besoin de légender les photos, les murs parlent d’eux-mêmes !

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Ma foi, quel lion ! Il nous indique qu’il faut s’adresser au café pour visiter l’intérieur.

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La nef lumineuse a de quoi dérouter avec sa profusion de décorations au couleurs vives et aux nombreux messages pastoraux soigneusement calligraphiés. On peut admirer de jolis poteaux peints.

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Un panneau pour sortir moderne a même été intégré dans la composition.

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Le transept et le sol n’échappent pas à l’exubérance décorative.

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Du haut de sa chaire, l’éthique du prêcheur devait avoir une indéniable prestance.

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Cependant, loin de moi l’idée de choquer, mais je ne peux m’empêcher de penser que le confessionnal a davantage allure de guérite de marionnettiste.

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Nous sommes parfois plus proche d’Hergé que de Michel-Ange,

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mais ce sont bien les messages de l’Evangile qui ornent les murs.

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Il faut rester un sacré bout de temps si on veut lire toutes ces enluminures murales et, croyant ou pas, la visite de cette église est pour le moins déconcertante.

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Plongé dans la lecture de toute ces calligraphies, j’allais oublier: Où peut-on contempler ces faces aux jolies fresques ?
Il faut vous rendre dans le Pays d’Houlme, vingt kilomètres à l’Ouest d’Argentan dans l’Orne.



Pour approfondir, vous pouvez consulter cet article très intéressante hand-cursor

La colonie agricole et pénitentiaire du Luc. (Cellules)

 

Je vous ai déjà décrit mes observations concernant la colonie agricole du Luc au cours de ces trois articles:
la genèse,
les bâtiments,
la fromagerie.

 
A la suite d’une nouvelle visite , il m’a semblé intéressant de revenir sur quelques témoignages laissés par les colons au cours des séjours qu’ils effectuaient en cellules.
Le but n’est pas ici de surfer sur une corde sensible, bien qu’il soit difficile de déchiffrer ces graffitis sans éprouver un sentiment de compassion ou de révolte, mais il faut tenter de se replacer dans le contexte de l’époque où la notion d’enfant roi n’était pas franchement d’actualité.
Quittant la civilisation en sortant de la gare d’Alzon, les gamins ou adolescents qui se rendaient à la colonie devaient se demander sur quelle planète leurs existences allaient dorénavant se dérouler. Issus pour la plupart de villes, la découverte de cet univers minéral et silencieux devait vêtir leur moral d’un paletot bien lourd à porter.

Déjà privé de liberté jusqu’à sa majorité, pour le colon récalcitrant, la double peine sous la forme d’ un séjour en cellule était fréquente.

Au Luc, les 5 cellules sont les seules parties des bâtiments restées en l’état et je remercie le propriétaire qui m’a ouvert l’huis, me permettant ainsi d’écouter parler les murs.

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En haut et en bas de la porte, serrure doublée d’une targette, judas fermé par une trappe métallique, les moyens de fermeture sont bien afférents à ceux d’une porte de cellule. Ces mesures carcérales semblent bien excessives quand on sait que toute évasion relevait de l’utopie tant l’environnement était désertique. Pourtant, plus d’un ont tenté de se faire la belle.

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Le passe-plat, au ras du sol n’échappe pas à la règle. C’est pourtant par cet orifice que le dénommé Bottari aurait réussi à forcer la serrure du bas et par le judas celle du haut. Cette version, relatée par les chaussettes à clous, parait peu probable, une complicité extérieure me semble plus plausible.

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Le décor est vite planté. Quatre murs, une porte et un soupirail muni de barreaux. Pas de moyen de chauffage.

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Du sol au plafond, les murs sont recouverts de graffitis. On est fortement interpellé par tous ces noms tantôt soigneusement calligraphiés tantôt furtivement ou maladroitement tracés. En essayant de les déchiffrer, on ne peut s’empêcher de les personnaliser en y greffant par imagination une évocation de ce que pouvait être le caractère de leurs auteurs. Hargneux Pieroti dont le patronyme est profondément gravé en plusieurs endroits ? Rêveur Druais avec son penchant manifeste pour le dessin? Fataliste Chouvin et son poème pessimiste? Insoumis Rustoll? Amoureux Giraud? Je suis certainement à côté de la plaque, mais qu’importe, ces témoignages d’enfants méritent bien qu’on s’y attarde.

C’est sur la peinture écaillée des portes que l’on peut relever les inscriptions les plus anciennes. Parmi la profusion d’inscriptions, on peut distinguer ici un Albert Villeneuve né(e) à Oran en 1892.

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Au fil du temps, les murs ont été enduits plusieurs fois aussi les gravures que l’on peut distinguer aujourd’hui appartiennent à la dernière période alors que le Luc était passé sous la tutelle de l’Assistance Publique (1904-1929).

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Le temps efface petit à petit les traces. Les mentions du lieu et date de naissance sont pratiquement systématiquement mentionnées. Ce sont bien souvent les seuls éléments connus de ces enfants concernant leurs origines et l’on comprend qu’ils s’y accrochent. On constate des provenances géographiques très variées. On peut noter que plusieurs graffitis indiquent des colons originaires d’Algérie (Constantine, Oran, Orléansville). Sans doute une des conséquences de l’immigration encouragée suite à la révolution de 1848. Le manque de préparation et les maladies ont causé beaucoup de décès ce qui a dû engendrer de nombreux orphelins.
Ici, on devine La Roche sur Yon.

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Armel Charteau 21 Octobre 1896 à Nantes souhaite le bonjour à tous.

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A quelles amours s’adressent ces cœurs ? Parmi tous les entrelacs je n’ai pas discerné de prénoms féminins. Je n’ai pas non plus remarqué de graffitis à sous-entendu graveleux.

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Pour tromper l’ennui, certains esquissent un autoportrait à moins que ce soit le visage d’un camarade comme l’atteste la présence d’un béret qui faisait partie de l’uniforme du colon.
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Est-ce le même colon qui rentre poule et poussins à l’abri du renard?

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Ici la seule représentation féminine que j’ai vue. Le texte accompagnant cette élégante au sourire en coin est à jamais perdu.

Colonie agricole du Luc (7)Ce profil est peut-être dû au même artiste.

Profil

Là, nous avons droit à un marin déclarant: Je suis un fayot de la marine ! Une moquerie envers un gardien ancien militaire ? Encore une supposition!
En dessous, un carré magique formé des chiffres de 1 à 9 et dont chaque ligne est un total de 15. Les degrés d’instructions que l’on peut déduire grâce aux graffitis sont pour le moins hétérogènes.

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Le bis mentionné à la dernière ligne fait penser à un chant dont les paroles sont perdues. On ne saura pas ce qu’il fallait garder dans notre coeur…

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JE SORTIRAI QUAN DIEU LE VOUDRA VOICI 19 JOUR QUE JE SUI EN CELULE
Est-ce Permann(?) Jean-Marcel qui a tenté ces calculs ? Voila 432 heures que je suis en cellule. 224490 minutes et 1393 secondes.
Il compte les jours, les heures jusqu’aux secondes, mais fataliste, il ajoute plusieurs fois : MES ENFIN JE NE MAN FE PA

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Sur ce panneau, on peut voir en plusieurs endroits, 5 points assemblés comme sur une face de dé. Dans les prisons, ce signe symbolise l’enfermement entre quatre murs.
Figure également la date de 1927. Bien que devenue Ecole professionnelle en 1904, il apparaît clairement que les méthodes héritées de la période pénitentiaire ont perduré jusqu’à la fermeture en 1929.

 

La notion de classe militaire est très présente dans les graffitis. Pour beaucoup, l’engagement dans l’armée était la solution choisie à leur sortie du Luc. Arrivé à l’age de 13 ans, Rastoll entame sa dernière année au Luc en cellule.

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Dans une autre cellule, Rastoll nous indique son 2eme prénom: Manuel

rastoll

 

Louis Raymond Chouvin a gravé son nom en plusieurs endroits. Manifestement, il a effectué plusieurs séjours en cellule.
Peut-être par esprit bravache, il nous a laissé un poème. En est-t-il l’auteur ? Peu importe,clic! le texte fait froid dans le dos tant il décrit l’avenir qui était réservé à nombre de ces colons qui se sont retrouvés déphasés à leur libération.
La Loire m’a vu naître
L’Assistance m’a vu paraître
La colonie de Mettray dans la torture
La colonie du Luc dans l’esclavage
Les prisons me verront rentrer
Le bagne me verra souffrir
Et Cayenne sera mon tombeau
Et debler* me fera passer le cou par la lunette
L’échafaud me verra mourir.

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A 18 ans, en traçant ces lignes, ce Chouvin était d’une lucidité effrayante et ne se faisait guère d’illusions quant à son avenir lointain. Néanmoins, cet originaire de Saint-Etienne pense à se mettre au vert:A moi la Loire et ses filles charmantes dans six mois au jus.

 

Sur ce chevron réutilisé pour une modification de la toiture, on peut déchiffrer : Elena est rentré à la Colonie de Beaurecueil le 10 mars 1873 et au Luc le 24 ?
C’est la plus ancienne inscription que j’ai pu relever.

elena

 

Ce message se passe de commentaire !

Colonie agricole du Luc (16)
MES CHERS AMIS
PRENEZ TOUS LA FUITE
NE RESTEZ PAS AU LUC
Pierotin, Coste, Mustapha, Giraud, Mollier, Toselli, nombreux sont les patronymes que l’on peut déchiffrer avec un éclairage rasant dans les différentes cellules. Au cours de différents séjours, ces jeunes rebelles aux origines très variées ont laissé leurs noms, sinon pour perpète, du moins tant que dureront les murs.

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Refermons doucement la porte sur les fantômes des colons du Luc.

Colonie agricole du Luc (1)

Briqueteries normandes

 

Les grandes cheminées encore debout, par leurs érections, témoignent du passé industriel de nos régions.
Lors d’une errance vers la Normandie, cette imposante tour de briques n’a pas manqué d’attirer ma curiosité. Cet index dressé avait trop un air de « viens voir par ici » pour que j’ignore son signal d’autant que le contexte évoque davantage les activités rurales qu’industrielles. Je n’ai pas regretté le détour puisqu’il m’a permis de découvrir une ancienne carrière de lœss, riche en argile, qui fournissait la matière première pour une briqueterie édifiée sur place.
Quoi de plus banal qu’une brique ? Son usage remonte à l’Antiquité et on sait depuis des lustres que le Grand Méchant Loup s’époumona en vain contre les murs montés par le troisième petit cochon.
Objet anodin donc? Peut être, mais rien n’empêche de s’interroger sur sa fabrication et plus particulièrement sur sa cuisson.
Sur le site que nous allons parcourir, l’activité a débuté en 1911 pour se terminer vers 1950.
Nous commençons la visite avec cette vue aérienne gracieusement proposée par ce blog. Prise à l’aide d’un cerf-volant, elle nous montre l’importance des séchoirs qui pointent vers le four.

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Sur cette vue ancienne on voit parfaitement la proximité de la carrière et de la briqueterie. Les séchoirs sont bien remplis. On remarquera l’empilement alterné des briques permettant la ventilation.

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Les séchoirs sont maintenant reconvertis en remises agricoles.

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Le bâtiment chargé de la cuisson des briques est de taille respectable. Il a été construit sur les bases du principe des fours Hoffmann dits à « feu continu »où la cuisson est effectuée par un foyer de coke qui progresse au long de couloirs.

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Cette construction est constituée de deux longs couloirs voûtés . On y accède de chaque coté par six ouvertures latérales. Celles-ci étaient desservies à l’aide de rails de type Decauville. Bien entendu, pendant la cuisson, ces ouvertures étaient obturées.

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A l’extrémité de la construction, on trouve l’imposante cheminée qui a capté notre attention.

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Le principe de fonctionnement consiste à remplir les couloir de briques placées en quinconce afin que les gaz chauds puissent circuler entre elles. Le foyer, allumé à une extrémité, se déplace dans le couloir.
Le coke est versé par le haut au fur et à mesure de l’avancée du foyer à l’aide de trappes qui percent la voûte. L’empilement des briques à cuire est réalisé de façon à ce que des espaces verticaux soient réservés pour accueillir le coke.

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Au cours de la cuisson, les briques se rétractent ce qui agrandit les interstices entre les briques et favorise le tirage. Des cloisons en papier délimitent des « chambres »permettant de contrôler l’avancement du feu en maîtrisant les courants d’air.

Briquetterie du Nord

Briquetterie du Nord

 

Au ras du sol, des évents récoltaient les fumées dans une conduite souterraine qui rejoint la cheminée. Le tirage par aspiration est assuré par la hauteur de la cheminée grâce à la forte dépression occasionnée par la différence de densité entre l’air chaud (plus léger) et l’atmosphère extérieure.

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Au fur et à mesure de l’avancée du foyer, les portes latérales sont démontées afin de défourner les briques cuites et enfourner celles à cuire.
Voici sommairement la coupe d’un couloir de cuisson.briqueterie-6

 

La température nécessaire à la cuisson est d’environ 1000 degrés. Le temps de cuisson et la température influent sur la couleur finale des briques. Les parois du tunnel portent les traces de « vitrification » dues à la chaleur.

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La cuisson durait en moyenne 12 heures et les deux couloirs étaient approvisionnés et déchargés en alternance au fur et à mesure de l’avance du feu. Ainsi, le cycle était ininterrompu. Subissant la chaleur et dans la pénombre les employés rencontraient des conditions de travail très éprouvantes.
Rien ne se perdait, en effet, les briques défectueuses étaient réduites en poudre utilisée notamment pour la terre battue des terrains de tennis.
Pour construire cet édifice, il a fallu un bon nombre de briques et on peut voir à l’entrée de la propriété les vestiges de l’installation où celles-ci ont été façonnées.

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J’ai eu la chance de visiter ces lieux guidé très gentiment par le fils de la propriétaire. Ce fut un réel plaisir d’écouter ses explications en parcourant ces beaux vestiges du patrimoine industriel du début du siècle dernier. C’est pour ménager sa tranquillité que je n’indique pas l’emplacement.

 

Dans la proche périphérie d’Argentan, une autre cheminée émerge d’une friche bien défendue par un roncier redoutable. Les deux lettres qui décorent le conduit correspondent à Leduc et Aubry, créateurs de l’entreprise en 1913.

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Ici aussi, nous retrouvons le principe du four Hoffmann à feu continu avec son four en tunnel accessible par les ouvertures latérales et les collecteurs de fumées au ras du sol.

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La voûte, en partie effondrée, nous permet d’accéder au collecteur des fumées au niveau inférieur de la cheminée.

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Vu de l’intérieur, on peut découvrir un petit bout de ciel bleu.

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J’ignore l’usage de cette « gamelle »métallique, peut être servait-elle à obturer un des accès d’admission du coke au travers de la voute.

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A proximité du four, on trouve les ruines de bâtiments n’offrant guère d’intérêts esthétiques excepté pour les amateurs de tags. L’état général des lieux n’incite guère à faire preuve d’optimisme quant à sa pérennité.

 

A la fin de mon article sur les cigognes., je vous avais parlé d’un drôle de bâtiment dont la silhouette évoque les chörtens tibétains. Eh bien oui, il s’agit également d’un ancien four à briques.
La production s’est déroulée de 1850 à 1875 au lieu dit Le Porribet. La proximité de la Vire offrait une intéressante possibilité d’écoulement de la production par halage.
Ici la cuisson est verticale. On remarque que la construction possède cinq jambes de force destinées à renforcer la voûte intérieure du four, partie fragile de l’édifice.

Le porribet

 

Les briques sont empilées à l’intérieur du four circulaire en ménageant des petits interstices pour le passage des fumées et de la chaleur. La méthode d’empilage est assez complexe puisqu’en prolongement des gueules d’ alandiersAlandier, il faut ménager des chambres de chauffe pour l’alimentation des foyers. (Charbon de Littry)
Pour cela, des briques sont disposées en encorbellement de façon à former des sortes de couloirs au dessus desquels les briques sont empilées à l’intérieur du four circulaire en ménageant des petits interstices pour le passage des fumées et de la chaleur

Alandier

Vue de la porte d’accès et de la gueule de deux alandiers débouchant dans le four. On distingue la barre en fer chargée de soutenir la grille du foyer.

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L’enfournage doit donc être effectué avec beaucoup de soin sachant qu’ il faut prendre en compte de la diminution du volume des briques au cours du séchage.

 

La voûte du four est percée de petites ouvertures qui collectent la fumée (carnaux) vers la cheminée chargée d’augmenter le tirage.

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Un deuxième four, de section carrée cette fois, se trouve à coté. Si le principe reste le même, il n’est pas pourvu de cheminée et la structure en brique est doublée de parements en schistes qui devaient assurer une meilleure isolation thermique.

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Nous allons conclure avec un autre type de four. La Chauffetière est une briqueterie exceptionnelle dont l’implantation remonte à 1760 ! Depuis 1890, elle est exploitée par la famille Fontaine qui perpétue toujours la tradition. Façonnées à la main, les briques encore produites sont utilisées pour la restauration de monuments.

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Le foyer est ici placé sous le four et séparé de celui-ci par une sole Joli casque ! formée d’une succession d’arches formant une plateforme sur laquelle sont empilées les briques crues. Ces arches, situées derrière le foyer, forment deux couloirs de chauffe.
Montées à l’aplomb des arches, les briques ménagent des canaux verticaux qui assurent le tirage de la chaleur et les gaz.

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Le four contient 10 000 briques et nécessite une semaine de travail pour le remplissage. Comme dans tous les types de four , les briques sont légèrement espacées entre-elles afin qu’elles ne se collent entre elles. Une fine couche terre poudreuse isole chaque lit de briques.
Ce type de four n’a pas de cheminée ni de voûte sommitale. C’est le dernier lit de brique qui remplit cet office.Four

La cuisson comprend trois cycles: deux jours à petit feu, trois jours à grand feu. Ensuite, le foyer éteint, la porte de celui-ci est obturée par un tampon d’argile et le four recouvert de terre afin que la cuisson se déroule à l’étouffée jusqu’au refroidissement. (8 jours).

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Nous voici au terme des différents fours de cuisson que j’ai pu observer, les deux premiers étant le fruit du hasard. Si ces observations comportent des erreurs, n’hésitez pas à en faire part, rectifications et précisions seront les bienvenues.