La creute des artistes

 

Retournons visiter les creutes où les soldats survivants tentaient de récupérer des affres des combats et où les officiers organisaient tant bien que mal les futurs carnages élaborés par l’Etat-Major.
Nous avons la chance de pouvoir disposer de photographies des même lieux issues de la bibliothèque La contemporaine . Nous en avons extrait quelques unes afin de se replonger dans l’ambiance de l’époque.
Album Valois.hand-cursor

 

Pendant une longue période, cette carrière était suffisamment éloignée du front pour que son aménagement soit assez poussé pour bénéficier d’un confort relatif.



Image tirée de cet excellent document

 

Si la troupe était cantonnée dans les vastes galeries, l’encadrement bénéficiait d’aménagements troglodytiques plus sophistiqués où des murs délimitaient des espaces clos plus faciles à chauffer.

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A la popote !

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Cette carrière a été occupée pendant toute la durée du conflit. Contrairement à ce que l’on peut trouver dans d’autres creutes, on trouve très peu de patronymes mais plutôt des tentatives d’expressions artistiques dont certaines sont très réussies.

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Par exemple, le coin lavabo est décoré d’un minois souriant.

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Et plus curieusement deux autres profils où se devinent un casque à pointe à gauche et une casquette d’officier allemand à droite ( ?). Ces derniers ont-ils brièvement occupé la région en 18 ?

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Au hasard des murs, dans la pénombre, on découvre d’autres profils de factures différentes.
Un style académique fleurant l’école des Beaux-Arts bien rodé

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Ce portrait au calot est signé Godule.

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Une tête de lion rugissant se découpe à l’angle d’une paroi.

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Vers quels horizons s’évadent les pensées des soldats au repos ?
La femme affriolante ?

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Certes ! Ces madelons sont un peu mûres.

 

La foi?

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La patrie?
La semeuse, allégorie créee fin 19e, est devenue un symbole de la République Française.

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L’héroïsme, récompensé par la croix de guerre?

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Hélas, pour eux, plus de questions métaphysiques.

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On ne comprend pas bien pourquoi ce bas relief a été saccagé ne laissant que la représentation de l’aile relativement intacte. De tels saccages pouvaient être effectués par vengeance au cours des différentes prises et reprises des lieux par les belligérants, mais ce cantonnement est resté aux mains des français tout au long du conflit.

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Il se distingue intact, peut être encore inachevé, sur ce cliché de 1918.

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Cette couverture d’un magasine coquin du 31/3/1917, fort prisé des poilus, a pu inspirer l’artiste. (J’avance audacieusement cette possibilité car elle est évoquée à propos d’une autre sculpture que vous verrez plus tard.)

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Le Maréchal Joffre va vous guider vers d’autres représentations artistiques prochainement.

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Maréchal à qui on doit le jour le plus sanglant de l’histoire de France: 27000 morts le 22 Août 1914. Cela lui a valu de formidables honneurs !
A suivre…

 

Armistice

Jusqu’au bout…
Le 11 Novembre 1918 à 10h 55 , Auguste Trébuchon est tué. L’Armistice a été signé le matin à 5 heures 15, le cessez-le-feu étant prévu à 11 heures. Depuis la veille, l’Etat Major Français fait le forcing pour accentuer la pression sur les Allemands avant la signature. La Meuse doit être franchie à tout prix. Une fragile tête de pont est établie. Bien que le 11 au matin, l’annonce imminente du cessez-le feu soit connue par les soldats, les tirs de mitrailleuses et d’artillerie continueront jusqu’à ce que les clairons retentissent à 11 heures. Cinq minutes avant, Auguste Trébuchon est frappé d’une balle en pleine tête. Il est considéré jusqu’alors comme le dernier soldat français tué pendant la Grande Guerre.
Cent ans plus tard, l’esprit de clocher est toujours tenace :
Il semblerait qu’Auguste Joseph Renault soit décédé à 10 heures 58. hand-cursor

Vous connaissez maintenant mon attrait pour le monde souterrain et surtout pour les témoignages laissés sur les parois, aussi je me devais de commémorer ce centenaire avec quelques photos prises dans les creutes (carrières souterraines) qui servirent de refuges aux combattants.

 

Cent saisons ont passé et les feuilles mortes n’ont pas encore comblé les cicatrices laissées par les combats. Les lacis formés par les tranchées sont encore nettement visibles dans les sous-bois.

 

Difficile de dire si les effondrements qui percent les plafonds sont dûs aux obus ou à l’érosion mais, les nombreux entonnoirs qui avoisinent cette carrière indiquent bien qu’elle fût la cible de bombardements.


Ôtez ces obus de ma vie !

 

Ces marches taillées débouchaient vers le Nord afin d’accéder aux tranchées en restant le moins exposé possible.

 

Pour rompre l’ennui et tenter de fuir leurs conditions de vie, les soldats ont souvent laissé des témoignages gravés dans le calcaire. Si certains bas-reliefs sont de factures naïves, d’autres font preuve d’une réelle maîtrise artistique. Il est bien dommage que cette scène où on peut deviner un poilu terrassant un adversaire à la baïonnette ait été saccagée.


??ONTY RIVASSOU 1914

 

Deux tentatives de portraits? Cette silhouette porte un curieux bonnet.


Malgré l’érosion, on peut deviner une figure féminine aux yeux charbonneux.

 

Les murs peuvent également délivrer des messages.

On peut traduire par Anéantir l’Allemagne.
Ce texte fait vraisemblablement allusion à l’essai écrit en 1871 par H. Entz :DELENDA GERMANIA. dont voici l’introduction:


Vous pouvez lire l’intégrale hand-cursor

Accompagnant cette citation, un texte qui ne nécessite pas d’explication, le texte est parlant !


GUILLAUME CAPUT

 

Cette petite commémoration personnelle s’achève ici, mais je reviendrai rapidement avec d’autres témoignages moins belliqueux.


A bientôt.

Autre article sur le même sujet hand-cursor

 

La Grande Guerre dans les creutes

 

Certaines creutes de Picardie, nous l’avons vu, ont été occupées par les troupes pendant la Grande Guerre .
La plupart de ces anciennes carrières sont dorénavant fermées, mais la frustration s’efface rapidement devant le fait qu’il faille protéger ces témoignages de la bêtise crasse des tagueurs mais aussi du vandalisme mercantile des collectionneurs qui n’ont pas hésité à découper certaines sculptures ! Des associations locales font un remarquable travail pour la conservation de ces témoignages et organisent des visites commentées .
Humidité, froid, rats, litières de paille, râles des blessés, peur de l’effondrement quand le bruit de canonnade se rapprochait, tel était le quotidien du soldat. Ces conditions étaient terribles, mais offraient un semblant de confort au retour du front. Songer à l’image du « poilu » nous évoque une silhouette massive de grognard moustachu, la pipe au bec. Il est frappant de constater que les photos et films d’époque nous montrent des faciès d’hommes vieillis au combien prématurément quand on sait que la moyenne d’âge des combattants était de 25 ans.
En parcourant les méandres de ces cavités, l’Histoire nous saute à la gueule. Un silence et une obscurité propices au recueillement habitent les lieux. Notre imaginaire, exacerbé par l’ambiance, se nourrit des gravures laissées par les soldats.
Qu’est il arrivé à ce poilu après qu’il ait gravé son nom dans la craie ? Quelles furent ses motivations ?Volontairement, je ne m’étendrai pas en commentant les quelques exemples qui suivent. Je laisse libre votre imagination pour aller à la rencontre du cauchemar vécu par ces hommes qui se firent voler, au mieux leur jeunesse, au pire, leur vie.

 

 

Ça et là, des réalisations décoratives d’exécutions plus ou moins habiles témoignent d’une volonté d’oublier le présent en ce concentrant sur une activité manuelle.

Le cor, emblème des Chasseurs Alpins.
Plusieurs clous sont plantés sur les parois pour faire office de patères. Il était primordial de mettre le casse-croûte à l’abri des rongeurs.

 

Voici le bien connu PC du colonel Reboul. Située en arrière du front, cette creute a bénéficié d’un aménagement plus conséquent.

 

Les tentatives d’amélioration de l’ordinaire se concrétisent par l’édification de cheminées. Ce confort précaire était bien entendu réservé aux officiers.

 

Affrontant une réalité où l’avenir ne se prêtait pas à l’optimisme, la foi était un recours très prisé.
Des autels aux décors très élaborés ont été édifiés dans diverses creutes afin que les soldats puissent partir au front accompagnés d’une protection divine.

Quelque soient les belligérants, Dieu était à leur coté!



Une synagogue ?

 

J’ignore l’usage de ces niches. Je suppose qu’elles sont des alcôves aménagées pour des bureaux.

On retrouve des installations similaires sur cette photo empruntée au superbe livre: Le graffiti des tranchées proposé par le Soissonnais 14-18 que je remercie pour le prêt.

 

Le temps passe et l’inéluctable lèpre temporelle ronge petit à petit les souvenirs laissés par les hommes.


C’était il y a 100 ans…On conclut avec les mots de la fin de ce graffito: A BAS La GUERRE

Carrière de Picardie

 

Silence ! On tourne! Ce n’est pas du cinéma mais bien la réalité!
Silence car, dans ces carrières, aucun son ne fait vibrer nos tympans. Certes, le monde souterrain est souvent calme, mais il est rare de ne point y percevoir une musique en provenance d’un petit écoulement d’eau. Ici, rien, pas de réverbération ni d’écho malgré la taille des vides. Le bruit des pas est étouffé par l’épaisse couche poudreuse qui recouvre le sol. Et on tourne, on contourne, on retourne, chaque pilier cache un nouvel enchaînement de galeries interminables.
Cette cavité est un vrai labyrinthe où l’on a vite fait de perdre le fil de l’orientation si l’on y prend garde.

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La pierre exploitée est un  calcaire luthérien vieux d’environ 40 millions d’années. Une de ses strates possède la particularité de contenir de nombreuses empreintes de cérithes (Campanile giganteum) dont certaines dépassent les quarante cm. Cette strate étant de piètre qualité, l’extraction des pierres de taille s’arrête à ce niveau ce qui nous laisse un ciel (plafond) décoré d’empreintes de coquillages.

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Voici une chambre d’exploitation caractéristique avec son front de taille latéral en dents de scie.

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L’exploitation de cette pierre à bâtir est très ancienne et a, semble-t-il, connu une forte intensification au cours du XIXème.
Les blocs extraits avaient une taille respectable : (en gros) 1.60m.X 0.80m.X 0.80m et la technique d’extraction employée est semblable à celle utilisée dans les carrières de craie, bien que la taille des blocs extraits demande des méthodes adaptées.
D’après les fameux carriers Grosso et Modo, le défruitage du bloc commençait par une entaille horizontale dans laquelle on insérait des cales. Ensuite , du bas vers le haut, étaient pratiquées les saignées verticales (essimures) et pour finir, une autre saignée horizontale en haut finissait de délimiter le bloc à extraire. A ce moment, celui-ci n’est plus solidaire de la masse que par le fond. Des rouleaux (roules) de diamètres dégressifs sont placés dans l’entaille du bas. Des coins sont enfoncés dans l’entaille supérieure pour forcer le bloc à se détacher de la masse. Il n’y a plus qu’à tirer et, en partie soutenu par une béquille, le bloc bascule sur un lit de remblai fin (cran) destiné à amortir sa chute.

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Jusqu’à la fin du XIXème, les saignées étaient pratiquées au pic et à la barre à mine (aiguille). A cette époque, l’usage de la lance se répandit, permettant des découpes de blocs plus importants. C’est une grande barre à mine pouvant atteindre les 5 mètres de long. Elle est suspendue à un portique à l’aide d’une chaîne qui permet un mouvement oscillant.

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Voici quelques stigmates laissés par différents outils :le pic avec ses traces obliques et légèrement incurvées:

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Lances ou aiguilles, quant à elles, laissent des traces horizontales et globalement parallèles.

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Sur certains blocs laissés sur place, les faces présentent de belles stries laissées vraisemblablement par une scie crocodile ?

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L’usage du pic a perduré jusqu’au XXème suivant les carrières. S’il a été remplacé par la lance, les deux techniques ont pu cohabiter. De toute façon, sans être spécialiste, c’est difficile d’interpréter les fronts de taille car, manifestement ils ont été repris à différentes époques, soit en sur-creusement ou sous-creusement, voir en rognant des piliers .
On peut voir ici que le niveau bas a été exploité au pic alors que le niveau supérieur porte les stries horizontales laissées par les aiguilles (ou lances?). Il est probable que les encoches (flèches rouges) étaient destinées à recevoir le montant horizontal du portique supportant la barre à mine. On notera également les traces de lampes à acétylène au plafond. Celles-ci indiquent une reprise d’exploitation à partir du début du XXème.

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Sur cette galerie , on peut voir que l’exploitation au-dessus du trait vert a été reprise à la lance en surcreusement. (Stigmates réguliers et parallèles.) Sur le ciel, on peut également constater 2 modes d’extraction. A gauche, les blocs ont été forcés au coin, tandis qu’à droite, le ciel porte les traces de découpe à la lance.

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Ces blocs de faible épaisseur laissés de côté nous interloquent. Ils présentent une face inégale manifestement due à l’extraction du ciel de la carrière à l’aide de coins. La manutention de la lance nécessitant un certain dégagement, il est possible que ces blocs pourraient donc avoir été « sacrifiés »afin d’obtenir une belle taille à la lance pour les blocs extraits en dessous. Ce n’est que supposition très hasardeuse de ma part.

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Bref, plutôt que de raconter billevesée et coquecigrues, contentons nous de visiter ces lieux on ne peut plus dépaysants.
Après la fin de l’exploitation, les champignonnistes ont occupé l’espace et débarrassèrent les travées des rebuts de taille. Les piliers tournés forment les colonnes d’un temple insolite digne de Dédale. Il est amusant de constater que de nombreuses pierres extraites ont servi à l’édification de monuments prestigieux et que les vides occasionnés ont fini par engendrer des volumes tout autant spectaculaires et majestueux !

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Le plafond porte les traces des contours des blocs.

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Ça et là, des blocs attendent, attendent, attendent…

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C’est bien beau tout ça, mais on a passé l’age de jouer au Minotaure ! C’est où la sortie, par ici ?

carrière souterraine (31)Ou par là ?

carrière souterraine (33)Silence ! On tourne!

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A suivre…

Carrière de craie

 

Dans le département de l’Yonne, les bancs  de craie sont très présents et ont été naturellement employés pour l’architecture locale. Le paysage, si on fouine un peu, a conservé les stigmates de l’activité des carriers.
Inutile de s’étendre en phrases interminables dignes d’un cuistre dont la logorrhée verbale provoquerait un inéluctable sauve-qui-peut bien compréhensible de la part du lecteur altruiste venu consacrer un peu de son temps à la lecture de cet article, bref, lecteur avide de savoir, vous trouverez une description très complète de cette activité icaunaise disparue ici et .. Merci ASEPA qui propose des articles fort intéressants.

Bien dissimulée dans la forêt, nous allons visiter une petite carrière souterraine qui n’a pas été vandalisée. La chose est suffisamment rare pour être mentionnée. Sensibles à l’aspect esthétique et insolite, nous essayons également de comprendre l’évolution de ce lieu singulier.

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Le plafond percé d’un puits nous fait supposer que l’extraction a commencé par le fonçage de celui-ci afin d’une part atteindre la strate exploitable, d’autre part pour ménager l’exploitation agricole du terrain en surface. Cet accès vertical est appelé « essort » dans la région rémoise.

PuitsMerci à exxplore pour le prêt de la photo.

 

Au fur et à mesure de l’avancement de l’extraction, la configuration de la carrière a évolué, excavant un volume de plus en plus grand. En plusieurs endroits, les vides engendrés ont fini par déboucher au jour. Nous voyons ici une « fenêtre » obturée plus tard par une palissade afin de contenir les déchets de taille déversés à l’extérieur.

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Des patronymes datés nous donnent une indication sur l’ancienneté de l’exploitation.

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Les pierres taillées avaient à peu près la dimension d’un parpaing actuel.
Les secteurs abandonnés en cours de taille nous indiquent bien les différentes phases d’extraction des pierres taillées.
Le front de taille est arasé. Au pic ou à l’herminette ? Les traces laissées ici montrent l’emploi de deux outils différents pour arriver au résultat souhaité.

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A l’aide d’une lance ou aiguille, deux saignées horizontales et parallèles  sont pratiquées dans la masse et délimitent le format des futurs parpaings..

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L’étape suivante consiste à creuser les saignées verticales..

Dans ces entailles seront insérés en force des coins de bois. Sous la pression, le moellon se détache de la masse. On distingue bien l’aspect irrégulier du nouveau front de taille contrastant avec les zones taillées.
Les blocs extraits seront stockés à l’abri afin d’éliminer leur teneur en eau (20%).

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Les plans de taille ne sont pas orthogonaux. L’angle d’attaque est d’une dizaine de degrés sans doute afin de ménager la place nécessaire à la manutention des outils.

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Il en résulte des parois au profil en dents de scie du plus bel effet…et signées par l’artiste !

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Concurrencée par le ciment, cette activité pénible a cessé petit à petit. Comme bien souvent, ces cavités anthropiques ont été réutilisées comme champignonnières à partir de la fin du19 e. On peut distinguer sur la gauche des traces de meules .

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Plus récemment hélas, elles peuvent servir de dépotoirs. Consolons-nous en pensant que, dans deux ou trois mille ans, cela fera le bonheur d’archéologues s’interrogeant sur les dieux à qui ces offrandes étaient destinées …

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Fermons cette parenthèse peu ragoutante et profitons de notre belle petite carrière épargnée. Voici quelques photos qui donnent une idée des espaces dégagés par l’extraction de la craie.  Ces successions d’escaliers et d’étages suspendus évoquent un univers sorti de l’imagination de Escher.

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Attention, on peut croiser dans ces souterrains d’étranges chauves-souris !

Dracula Tod Browning

 

 

Vestiges carriers à Fontainebleau (One more)

 

Vous devez commencer à connaitre l’attrait parfois excessif pour les vieilles ferrailles qui m’ incitent à titiller frénétiquement le déclencheur de mon appareil photo. Certes, un zeste de nostalgie existe, mais je ne peux m’empêcher de trouver un côté très esthétique envers ces résidus industriels, munitions du combat entre l’homme et la nature.
Une fois l’activité finie, il arrive que la nature, si on la laisse en paix, phagocyte ces friches et recrée d’autres paysages.
Le Massif de Fontainebleau avec ses rochers de grès a beaucoup donné aux tailleurs de pierre. Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, Paris, quant à lui a été pavé de grès de Fontainebleau.
Les rochers gardent sous l’humus les cicatrices spectaculaires de cette activité destructrice. Les vestiges métalliques sont beaucoup plus rares puisque cette activité s’effectuait souvent à l’aide de moyens rudimentaires.
Des amis que je remercie m’ont signalé un secteur où certains étaient encore présents.
Plantons le décor. Malgré la végétation qui a reconquis les lieux, la présence d’un front de taille sur la gauche et des plates formes édifiées  à l’aide de rebuts de taille ( écales ) indiquent sans conteste la présence d’une ancienne carrière.
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Rapidement on peut y débusquer notre premier exemple de cas de rouille sous la forme d’un tronçon de rails Decauville.

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Un peu plus loin, je salive avec la découverte d’ un châssis de wagonnet.

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Privé de ses roues, il a néanmoins conservé ses deux crochets servant à bloquer la benne basculante.

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Gros plan des tétons de bascule sur une benne.

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Cerise sur le gâteau, pour la première fois en forêt, je découvre un châssis encore sur ses rails.

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Pas de doute, c’est bien du Decauville.

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Parfois difficiles à identifier plusieurs débris métalliques jonchent le sol, je  pense que  l’objet appuyé contre l’arbre est un » Dérailleur Pétolat » qui permet de changer de voies sans que celle-ci soient raccordées. Cela ne court pas les rues ni les bois !

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IMG_1406Pouillon

 

Quelqu’un connait l’usage de cet assemblage muni d’un ressort ?

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Ou de ces « machins rencontrés plusieurs fois ?

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Curieusement, sur ce chantier, plusieurs types de matériels furent utilisés.

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Cette benne vient de loin.

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Au pied de la colline, je vous laisse imaginer l’excitation qui m’habite à la vue de cette anglaise qui rouille près du mont !

 

Quittons l’endroit en regardant ce bloc où l’on distingue parfaitement les « boîtes à coins », mortaises où sont enfoncées les barres à mines . L’impressionnant bloc supérieur est bien désolidarisé de la masse puisque avec le temps, il a commencé à glisser vers la pente. A droite,  une barre à mine est encore en place.

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Un autre lieu porte des traces spectaculaires, je vous laisse juge.

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Bien qu’en partie fendu, le bloc est resté en voie de débitage.

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La procédure consistait à forer un trou dans lequel était enfoncé au marteau pneumatique la barre à mine accompagnée de languettes de métal pour élargir le trou et favoriser l’enfoncement. ( Merci Thierry Tzubert. )
Pourquoi tous ces fleurets sont restés coincés? C’est bien mystérieux.IMG_1041

 

Il est temps de conclure cette recherche d’oxydes ferreux en saluant sur le chemin du retour, une benne bien remplie cachée dans un amas de rebuts.
Amis poètes, écoutez la rouille pressée par l’écale. Elle a sûrement bien des choses à raconter.

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Rhysopus

On traîne une fois de plus notre appareil photo dans une ancienne carrière de calcaire avec objectif d’en tester un nouveau… et surtout de passer un bon moment.L’hiver pluvieux à quelques conséquences et certaines parties sont recouvertes d’eau d’un bleu vert du plus bel effet.

 

 

Les taches qui constellent le ciel sont dues à la fumée dégagée autrefois par les lampes à acétylène des carriers et on distingue parfaitement les traces dextraction des blocs d’un mètre cube sur les parois.


 

Se confondant parfois avec ces taches noires quelques hôtes profitent de l’humidité des lieux pour piquer un roupillon. En effet les carrières offrent des conditions idéales pour les chauves souris: Température constante et à l’abri du gel, obscurité et calme.Calme dites-vous ? Respectons leur dodo et allons rapidement baguenauder plus loin.

 

D’autres surprises nous attendent. Posées sur le sol on trouve de petites boules duveteuses bien étranges. Certaines se dressent sur une hauteur de 20 cm.


 

Renseignements pris, il s’agit de rhizopus. Vous en doutez ? Lisez la description dans Wikipédia: br>La morphologie de l’anamorphe se caractérise par une hyphe siphonnée (sans cloison), multinuclée, à noyaux haploïdes, et à croissance apicale, possédant une paroi de chitine et de glucanes. Le protoplasme renferme de nombreuses vacuoles qui repoussent le cytoplasme et les noyaux à la périphérie. Les réserves de nourriture sont stockées sous forme de glycogène et de lipides.

C’est clair non ? Je pense qu’il n’y a aucun doute!

 

Bon, que font ils ici ces rhizopus ? Et bien ils se sont développés sur des fèces de Maitre Renard qui, lui aussi, fréquente assidument les souterrains.On ne fait pas beurk, ces moisissures sont cousines avec celles qui  ravissent nos palais dans le roquefort entre autres !
Il est bien connu que le renard se délècte de fromage dans une certaine fable aussi la boucle est bouclée.
Il est indéniable que ces rhysomus sont pourvus d’une certaine élégance.

 

Quant à nous, ne moisissons pas dans ces lieux majestueux, direction la sortie, on dirait bien que le soleil se rappelle à notre souvenir .

extraction d’un bloc

Le carrier, à l’aide d’un pic et d’une lance suspendue à une potence détoure le bloc en creusant 2 saignées verticales (tranches) et 2 horizontales (fours).

 

Le bloc à débiter n’est plus solidaire de la masse rocheuse que par le fond.

 

 A l’aide d’une mailloche des coins en bois sont enfoncés  provoquant la rupture du bloc avec le front de taille.

 

Extraction d’un bloc supérieur.
Le bloc est basculé sur un lit de cran destiné à amortir la chute.

 

La pierre est ensuite dégrossie à l’herminette et débitée en blocs plus petits en fonction de la demande.

 

L’extraction peut se faire en montant où en descendant. Le ciel de la carrière est moucheté par les traces de fumée dégagées par les lampes des carriers. Certains en ont profité pour inscrire leurs noms et les dates permettent de situer l’époque de l’exploitation.La lumière émise par ces lampes à huile puis à acétylène  ne devait pas avoir une bien grande portée et on imagine sans mal  que les conditions de travail devaient être très pénibles et dangereuses.
Plusieurs grèves tragiques marquèrent l'époque. Exemple ici.

 

D’autres inscriptions au crayon cette fois,témoignent de visites ou de calculs de volume des blocs découpés.’
 

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Des encoches étaient taillées dans la masse pour permettre des points d’ancrages afin de treuiller les blocs.

 

Ces encoches pouvaient également servir à attacher les chevaux. Ces derniers étaient  mis à contribution en tant que travailleurs de force avant l’apparition des treuils et bien sûr pour le convoyage des pierres débitées. Derrière le cric, on peut distinguer une mangeoire taillée dans la pierre.
 

 

A partir des années 1940, les pics et lances ont été remplacés par des haveuses à chaines. On voit ici les traces laissées par celles-ci.
 

 

Petit à petit des grands volumes sont extraits de la masse rocheuse. Pour que le ciel ne cède pas sous la pression des strates supérieures, des parties sont régulièrement préservées afin de servir de piliers de soutènements. C’est la méthode dite en  piliers tournés.
 

 

Pour approfondir voici deux liens où sont détaillés les différents outils:Carrières d’Aubigny.Carrière du Gros Caillou.

Fontis

Ce n’est pas un secret, le temps est maussade comme dit un ami Israélien aussi pourquoi ne pas en profiter pour aller flâner sous terre? Quand on parcourt ce monde minéral on a du mal à se faire à l’idée qu’au même endroit, il y a quelques années, la ballade aurait été non pas souterraine mais sous-marine. Par « quelques », j’entends environ 50 millions d’années. Je n’étais pas né et mes ancêtres non plus. Subséquemment, je suis bien obligé de croire ce qu’on me dit. Bref, le calcaire est une roche sédimentaire allochimique qui est exploitée depuis fort longtemps pour la construction, amender les champs, le macadam des routes etc…Afin d’atteindre relativement facilement les bonnes couches et préserver l’exploitation des terres agricoles en surface, l’extraction des blocs se faisait souvent en galeries souterraines. Cela tombe bien car on adore baguenauder dans ces lieux où le dépaysement est assuré. Voici donc quelques tentatives photographiques destinées à vous faire profiter de l’ambiance qui règne dans ces excavations abandonnées.

 

La visite à peine commencée  on se rend vite compte de la grandeur du volume extrait. Dans cette carrière privée du centre de la France, la strate exploitée fait environ 8 mètres de hauteur et son pendage est horizontal.Comme bien souvent, des piliers sont ménagés régulièrement pour soutenir le ciel.

 

 

Dessiner sur le ciel qui n’en a pas rêvé ?

Celui-ci ,culminant à une dizaine de mètres, a été vraisemblablement été décoré avec la fumée dégagée par une lampe à acétylène. Cela indique également que le débitage s’effectuait en descendant.

 

En dessous, des résidus de taille furent entassés pour former de petites rampes inclinées afin de faciliter le chargement des blocs débités.

 

Nous arrivons maintenant à ce qui motive le titre de cet article.Le ciel par endroit se fait menaçant et de spectaculaires effondrements obstruent les galeries. Le recouvrement rocheux au dessus de nos têtes n’est manifestement pas épais et cède par ça et là sous la pression de la terre. Des sortes de puits en forme de cloche se forment petit à petit en remontant parfois jusqu’à la surface. A leurs pieds, on trouve une pyramide formée par les matières effondrées. Nous sommes bien en présence des fameux fontis.On comprend facilement les désordres que cela peut occasionner en surface et des accidents meurtriers furent à l’origine de la création, à la demande de Louis XVI, de l’Inspection Générale des Carrières.

 

 

 

Celui-ci continue d’évoluer. On distingue bien que la périphérie du trou initial commence à être affectée. Le plafond, à cet endroit, ne tiendra pas encore des lustres comme dirait le comique de service qui n’est pas une lumière!

 

Comme bien souvent, après l’arrêt de l’exploitation, la carrière a été reconvertie en champignonnière. Les murs dressés devaient servir à maitriser la ventilation nécessaire à la myciculture.

 

On jette un coup d’œil à l’enchainement des nombreux piliers où il serait facile de perdre son orientation. Heureusement, nous avions un guide que nous remercions au passage.

 

Proche de l’entrée, la lumière du jour se faufile entre les pilastres hiératiques, luttant contre les ténèbres en nimbant l’atmosphère mystérieuse d’une lueur mordorée. C’est-y pas bien dit ça ?

 

On ne va tout de même pas se quitter sans un dernier regard sur ces deux beaux fontis siamois.

A bientôt pour d’autres visites photographiques si les trolls ne nous mangent pas!.

Curiosités en carrières

Encore une promenade souterraine dans une carrière de calcaire qui recèle  de fort belles choses appelées à disparaître.
Le matériau extrait est un calcaire blanc relativement tendre.  Les strates exploitées  font environ deux  mètres d’épaisseur et la carrière est globalement horizontale couvrant une surface impressionnante. Les traces de taille  indiquent  que les blocs  découpés faisaient environ 2 mètres cube. La plupart ont servi aux travaux Haussmanniens.
Comme bien souvent, cette exploitation fut réutilisée plus tard comme champignonnière.
La carrière a été exploitée en piliers tournés disposés de manière régulière  et ressemble rapidement à un labyrinthe

 

Outre les piles non défruitéesHooo, c'est beau !, le ciel est soutenu, dans certains secteurs, par les rebuts empilés derrière des murs de moellons provenant du débitage. Ce système de soutènement se nomme: par hagues et bourrage.

 

Dans cette partie de la carrière, devant des hagues, on voit des blocs abandonnés sur place et celui du milieu, curieusement, sert d’assise à un pilier à bras..

 

A cet endroit, le ciel a dû montrer quelques signes de faiblesse qui justifient ces chandelles. Je suppose que  ce renfort  date sûrement d’une époque postérieure à l’exploitation du calcaire car cet agencement gène la circulation dans la galerie et les étais sont encore dans un état relativement correct.

 

Nous avons ici un témoignage discret et fragile: un carrier a astucieusement employé le noir de fumée de sa lampe pour faire un tableau noir sur lequel figurent des chiffres dont nous ignorons la signification.

 

 On peut voir dans certains secteurs des contrôles de la pression que subissent les piliers . Dans une fente horizontale, est insérée une sorte de lamelle comportant un « coussinet » et un manomètre indique la pression que subit ce coussinet. Un rapide coup d’oeil nous confirme que l’on ne risque rien! Poursuivons la visite.

 

 Plus loin, une galerie de recherche a mis à jour une source qui forme un joli petit lac d’eau limpide.

 

Comme je l’ai écrit, cette carrière est assez vaste et certaines parties pourraient sembler monotones à parcourir. Il faut ici rendre hommage à Erik Rotheim le bienfaiteur qui a breveté la bombe aérosol. Les artistes locaux  peuvent ainsi décorer la blancheur des murs d’expressions artistiques d’un haut niveau. Comme l’inspiration ne leur manque pas, ils ont également brûlé quelques voitures pendant des manifestations de culture alternative ajoutant ainsi un dépôt  noirâtre  au sol de la carrière. Quand on pense que la chaleur dégagée  risque en plus de faire écrouler le plafond des galeries, on ne peut être qu’admiratif quant à l’imagination créative de ces artistes… en herbes.  Bon, au moins pendant ce temps là, ils ne  traînent pas dans les musées.
Faisons abstraction de tout cela en contemplant ces beaux renforts voûtes.

 

A cet endroit, pas de dégradations pariétales, les infiltrations d’eau ont nécessité l’emploi d’une pompe et décorent à leur manière les parois par l’apport de calcite.

 

Petit à petit, les concrétions se développent apportant une touche insolite à ces longs couloirs.

 

Après avoir erré dans ce dédale, fatigués et crottés mais heureux, nous prenons un bon bain et rentrons au volant de notre machine à remonter le temps.

 

Vous pouvez découvrir d’autres aspects  de  ces lieux insolites en cliquant sur l’image suivante: