Mine de May sur Orne

 

C’est un peu tombé dans l’oubli, mais la Normandie a été dans le passé une des principales régions sidérurgique française. Exploitée dès le XVIIe ,la production de minerai de fer a atteint son apogée en 1960. Ensuite le déclin s’amorce inexorablement. En 1993 la dernière coulée sortira des hauts fourneaux de la SMN situés à la périphérie de Caen.
Ma boîte à souvenir en bandoulière, je pars à la recherche de quelques vestiges susceptibles de diminuer ma nescience concernant ces activités disparues.
A May sur Orne, la ville est implantée au-dessus d’ une importante mine de fer qui fonctionna de 1896 jusqu’à 1968. L’exploitation « moderne » débuta sous la houlette de capitaux allemands avant la Grande Guerre. Durant le conflit, De Wendel et Schneider se livrèrent une lutte acharnée pour reprendre les concessions.
Historique détaillé hand-cursor

 

Que reste-t-il de cette épopée minière ? Pas grand-chose à photographier. Sur la rive droite de l’Orne, débouche le cavage d’une galerie d’exhaure. Les galeries ont servi de 1970 à 1983 pour stocker des hydrocarbures. La grille obturant l’entrée m’ôte tout espoir de visite souterraine et des effluves de fuel sont encore nettement perceptibles. Cette porte donne l’accès aux travaux souterrains afin de contrôler l’évolution des terrains situés en dessous de la ville.

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Si l’extraction se faisait rive droite de l’Orne, l’expédition par voies ferrées se déroulait rive gauche. Deux convoyeurs aériens sont achevés en 1933 pour véhiculer le minerai des puits d’extractions jusqu’aux terminaux de chargement. Les silhouettes décharnées des concasseurs-accumulateurs qui surplombaient les voies ferrées sont encore debout

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Après leurs démantèlements, je dois avouer que ça vieillit bien mal et qu’il faut beaucoup de volonté pour y trouver un intérêt esthétique. Accordons quand même à l’escalier hélicoïdale une certaine élégance.

 

Sur un des deux terminaux, on peut encore accéder sans trop de risques au premier étage et profiter de la vue.

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Continuer plus haut entrainerait une prise de risque inutile.
A l’étage supérieur, au travers des poutrelles métalliques, on peut entrevoir les restes d’un moteur.

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Retour sur le plancher des vaches où , les trémies ont des allures de distributeur de bonbons PEZ.img_1037may

D’autres vieilles dames résistent tant bien que mal aux outrages du temps et souffrent d’un blocage de l’articulation mandibulaire définitif. Leurs dentiers usés laisse entrevoir des blocs de minerai.

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Le poste d’aiguillage n’offre pas d’intérêt autre que de servir de défouloir aux amateur de tags. Je déclenche malgré tout mon appareil photo afin de conserver quelques « taguérotypes » en souvenir du temps passé.

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En 1956, d’importants aménagements ont lieu. Fonçage du puits central à May sur Orne. Le minerai est acheminé par convoyeur à bandes, concassé puis stocké dans d’importants silos édifiés rive droite. Le minerai franchissait ensuite l’Orne au dessus du pont minier jusqu’aux quais de chargement.

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On peut deviner sur les bords de la passerelle les emplacements vides où se logeaient les poteaux soutenant le convoyeur.

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Le silo-concasseur Nord a été recyclé et une rampe munie d’un convoyeur à bandes a été construite pour amener la pierre d’une carrière de grès voisine.

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Pour la petite histoire, derrière le silo, une piste bétonnée et pentue m’a interloqué ne voyant pas quel pouvait être son usage par rapport à la mine. Renseignements pris, cela n’a rien à voir, cette piste servait pour effectuer des tests de pente pour la SAVIEM.

Bref, il ne reste vraiment pas grand-chose et on ne peut pas dire que la patine du temps arrange ni embellisse ces vestiges . Certes, on peut trouver que ces ruines font tache dans le paysage et que leur ancienneté n’est pas assez grande pour mériter le label « patrimoine ». Cependant,ils sont les derniers symboles de l’épopée minière qui a fortement impacté la région. Je crains que la dégradation inéluctable entraîne une « mise en sécurité » qui se bornera à tout raser.
Je remballe mon appareil à clics et mes claques pour prendre la direction du plateau où se situait le complexe sidérurgique de la Société Métallurgique de Normandie à Mondeville en espérant trouver quelques traces.
A bientôt…

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Lathrée clandestine

 

Avec l’arrivée du printemps, l’humeur mélanbucolique s’exacerbe, aussi les envies de baguenauder reprennent de plus belle afin de profiter du spectacle multicolore offert par les paysages champêtres.
C’est le moment de rencontrer sur les berges des ruisseaux de spectaculaires explosions de bouquets violacés. Suivant les régions, ces manifestations florales ne sont pas rares, mais il faut parfois chausser les bottes afin de les observer car ces belles affectionnent les recoins humides où elles s’épanouissent aux pieds des arbres qui surplombent les ruisseaux.

 

Outre sa floraison peu banale, cette plante se distingue par le fait qu’elle ne possède pas de feuilles.

En effet, nulle manifestation de verdure chlorophyllienne susceptible d’assurer la photosynthèse. Comment la Lathrée clandestine, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, obtient-elle l’énergie nécessaire à sa survie ?

 

La floraison n’est que la partie émergée de l’iceberg ! Cette plante possède un réseau de rhizomes très développé pouvant peser plusieurs kilos. Ces tiges souterraines blanchâtres sont munies de suçoirs qui pompent directement la sève dans les racines des arbres. Ces pompes aspirantes assurent ainsi une transfusion énergétique. Notre belle fleur violette est donc une plante holoarasite. Parasite certes , mais nullement nuisible envers son hôte nourricier.
Son mode d’existence rend toute tentative de transplantation vouée à l’échec aussi ne privons pas le promeneur suivant de l’attrait de la lathrée.


Si on écarte délicatement les feuilles qui jonchent le sol, on découvre de petits bouquets blanchâtres très fragiles.



Ces « bouquets » sont formés d’écailles entre lesquelles le calice de la fleur se développe.

 

La pollinisation est assurée par les butineurs et le vent. La lathrée produit des fruits qui contiennent quatre à cinq fruits. Expulsées mécaniquement (autochorie), les graines tomberont dans l’eau . Les plus chanceuses échoueront plus loin sur un lieu humide à proximité d’un arbre, elles pourront germer, prendre littéralement racine et s’y nourrir. La lathrée va développer tranquillement son rhizome sweet home, mais il faudra attendre dix ans avant que les fleurs éclosent.

 

Quand la fleur a assuré la production de ces graines, elle disparaît complètement de la surface et mérite ainsi sa dénomination de clandestine.
Il est donc bien naturel que l’on ait choisi cette jolie orobanche pour symboliser les amours cachées !

 

Eolienne Bollée

 

On peut encore avoir la chance de croiser (en cherchant bien) de curieuses constructions métalliques qui peuvent rapidement provoquer quelques interrogations quant à la manière dont fonctionne le machin.
Qu’a t’on à gagner en haut de ce poteau aux allures de mats de cocagne ? Du vent… mais un vent qui fut précieux.

 

Dès le XII é siècle le vent a été mis à contribution pour mouvoir des mécanismes chargés de moudre du grain ou pomper de l’eau .
Alors que le développement de l’agriculture demande toujours davantage d’irrigation, ces mécanismes sont hélas d’un faible rendement. On ne peut agrandir indéfiniment la taille de ces turbines sans qu’elles deviennent vulnérables aux coups de vent.
C’est là qu’interviennent Ernest-Sylvain et Auguste Bollée (1814-1891). Issus d’une famille d’inventeurs, ils créent un type de turbine qui n’est pas dénué d’élégance et qui s’oriente tout seul pour un rendement optimum. Ce dernier est amélioré par une combinaison d’un stator et d’un rotor. De plus, un ingénieux dispositif met la turbine en sécurité quand Eole fait des siennes.
En 1885, Bollée baptise son système : Eolienne qui devient par le fait le nom commun validé par Larousse en 1907.
Quatre modèles sont crées :

Source wikipédia.

 

Environ 500 exemplaires furent installés. Un siècle plus tard, il en reste une petite centaine en place dont une dizaine sont classées.
Certaines sont érigées au sommet d’ un pylône, d’autres, au faîte d’un joli mât haubanné.

….p404_1_05 .. Bollée

 

En préambule, j’ai évoqué quelques interrogations concernant plus précisément le principe, voici les réponses que j’ai trouvées:
Gros plan sur un stator de modèle 3 :
Les 44 déflecteurs fixes sont chargées de diriger le vent vers les pales du rotor.


Sur l’autre face, nous avons le rotor avec ses 32 pales rotatives.


Un engrenage conique transmet le mouvement rotatif à l’arbre vertical.

 

Jusque là rien de bien compliqué, mais Bollée a mis au point un ingénieux système qui oriente systématiquement la turbine dans une position optimum. (Perpendiculaire au vent). Il n’y pas de mal à doper la turbine !
Le principe repose sur la rotation d’une petite hélice (moulinet gouverneur) située en amont du stator. Sa position est basse afin que la turbine ne masque pas la prise au vent.

 

Comment ça marche ? C’est très simple (enfin presque !). Je vous explique ça en coups de vent
Conditions initiales :

1) Le moulinet gouverneur est installé sur une structure pouvant pivoter de 90° autour d ’un axe vertical au bout d’une charpente solidaire de l’ensemble moteur stator-rotor. Il est maintenu dans une position perpendiculaire au stator-rotor par un contrepoids (ou un ressort calibré dans les premiers modèles). (Nous verrons plus loin comment).


A – VENT INFERIEUR A 6 OU 7 M/S :
1) le vent est face au rotor : il le fait tourner, le rotor actionne les pompes, le moulinet est en drapeau, les pales restent immobiles;
2) Si taquin, le vent change de direction: Le moulinet n’est plus en drapeau et ses pales se mettent à tourner. Le système d’engrenage fait pivoter le stator-rotor sur son axe vertical. Quand le moulinet se trouve parallèle au vent (en drapeau), la rotation de l’ensemble s’arrête. Le stator-rotor (maintenu perpendiculairement au moulinet ) se retrouve face au vent de manière optimum et le rotor tourne.

 

B – VENT SUPERIEUR A 7 M/S (vitesse dangereuse car risque d’emballement) :
La force exercée par le vent devient supérieure à celle exercée par le contrepoids. Le moulinet n’est plus maintenu dans une position orthogonale par rapport au stator-rotor.
1) La force du vent bascule toute la structure portant le moulinet. Celui-ci, qui était en drapeau par rapport au vent, a tendance sous l’action du vent à pivoter et présenter ses pales au vent.
Les pales se mettent à tourner et le moulinet fait pivoter le stator-rotor. Toujours repoussé par le vent, le moulinet continue de pivoter sur son axe jusqu’à se retrouver en drapeau dans une position parallèle au stator-rotor. Moulinet et stator-rotor se retrouvent en drapeau et cessent de tourner. La structure porteuse du moulinet, ayant atteint la position maximale de bascule (90°), y est définitivement maintenue par un loquet et ne peut donc revenir à sa position normale, les pales du gouverneur restent en drapeau.


Notons que Bollée a pensé à tout :
Tant que la structure du moulinet n’a pas atteint sa position maximale, si le vent faiblit, le contrepoids redevient opérant, replaçant la structure du moulinet perpendiculaire au stator-rotor. On se retrouve dans le cas de figure A
Si le vent fripon change de direction.
L’ensemble stator-rotor est décalé angulairement par rapport au vent : les pales du moulinet tournent de plus en plus vite et amènent le stator-rotor retors en position perpendiculaire au vent. Cette position d’emballement ne dure pas car aussitôt sa structure est repoussée par la force du vent et on se retrouve dans le cas B-1.

Les animations sont très fortement inspirées de ce document :
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L’ingéniosité d’un tel système mérite que l’on s’y attarde.
1/ Quand le vent est normal, le contrepoids bleu, en tirant sur le câble bleu, maintient la structure rose de façon que le moulinet soit perpendiculaire au stator-rotor.
Quand le vent augmente au delà d’une certaine limite, la force exercée par Eole sur le moulinet est plus grande que celle exercée par le contrepoids bleu. La structure rose pivote vers la droite.
A ce moment, deux cas de figure:
a/ Si le vent faiblit, le contrepoids bleu ramène la structure rose en place. (1/).
b/ Le vent forcit. La structure rose continue de pivoter jusqu’à se retrouver en butée sur le bâti fixe. Un arrêtoir monté sur un ressort bloque la structure dans cette position de sécurité. Pour rendre le système opérationnel, il faut alors tirer sur la chaine ( flèche mauve ) ce qui a pour effet d’effacer l’arrêtoir. Ainsi le contrepoids bleu peut ramener la structure en position opérationnelle.

Voici une photo du dispositif aimablement fournie par l’ASEPA:

 

Je fais le malin, mais toutes ces explications sont dues à mon ami JP. que je remercie vivement pour ses connaissances et sa patience. Je vous encourage à lire son excellent article sur l’éolienne de Pomponne. hand-cursor

La similitude des procédés démontre bien la production industrielle.

 

A cette époque, l’utile pouvait se parer de délicatesse. Le mat verticale abrite l’arbre qui transmet le mouvement rotatif.
Autour de ce mat un élégant escalier s’enroule pour desservir une petite plate forme protégée par une rambarde au profil gracieux.

On apprécira l’esthétique art déco des lettres matérialisant les points cardinaux ainsi que la découpe de la girouette.

 

Ces éoliennes ont été conçues pour actionner des chaînes à godet ou des pompes. Dans la pratique, il semblerait que seules les pompes ont été mises en pratique.
Veuillez bien pardonner la qualité des photos suivantes prises au travers d’un plexiglas plus franchement transparent.
Au pied de l’éolienne, l’arbre vertical, à l’aide d’engrenages coniques, met en mouvement le vilebrequin des pompes. Un grand volant d’inertie est chargé de réguler le mouvement


La présence de la poulie en bois à droite me fait supposer qu’ un moteur (gaz, pétrole ?) devait prendre le relais en cas de pénurie de vent.

 

Le progrès est passé, stator et rotor ont remplacé courant d’air par courant tout court et la fée électrique a fait disparaître les éoliennes Bollée de nos paysages ruraux. Plus tard Sheila chantera : Eole est fini, éole est fini etc.

Les deux éoliennes qui ont servi de support à cet article se trouvent à Courville-sur-Eure et Berchères-les-Pierres en Eure et Loire.
La liste complète: hand-cursor
Un article complet (qui omet quand même la description du système d’orientation) hand-cursor
Ci-dessous, plaque apposée sur le prototype élevé dans la propriété Bollée en 1872.

Plaque de Berchères les pierres 1896

Fours à chaux normands (2)

 

Début de l’article consacré aux four à chaux hand-cursor

 

Nous suivons les traces des chaufourniers sur l’autre rive de la Vire où se trouvent deux autres sites conçus avec le même principe. Une mise en valeur est en cours de réalisation.
Commençons par les fours du Bahais adossés au coteau.

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Là aussi, seules les chauves souris ont accès aux structures internes. Par contre, on peut accéder à la partie supérieure de l’édifice avec vue sur les gueulards.

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Au nadir des orifices, (E pericoloso sporgersi) on devine également un cône, mais ici, pas moyen de pénétrer au pied du four pour observer la disposition des lieux.

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La visite continue en empruntant un chemin parallèle à la Vire. Il nous conduit aux imposantes murailles des fours du Hamel Bazire.

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Les embrasures spectaculaires débouchent dorénavant sur une esplanade dont l’ambiance champêtre est sûrement bien éloignée de l’agitation besogneuse qui devait régner au cours de l’exploitation. Plus aucune trace des concasseurs broyeurs etc, seul un tronçon de rails Decauville subsiste dans les broussailles.

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La base des édifices est desservie par des corridors de toute beauté. Il est à souhaiter que la rénovation des lieux laisse la possibilité de les parcourir.

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A la base de ce four, on compte huit ouvreaux de petite taille au ras du sol. Là aussi, je m’interroge quant à l’ergonomie du système. La taille des ouvertures doit avoir une influence concernant le contrôle de la calcination.

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On remarque que la base des piliers comportant les ouvreaux est en pierre contrairement à la partie supérieure en briques.

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Faisons un grand saut vers l’Ouest afin de continuer nos visites par les augustes fours à chaux du Rey proches du petit port de Regnèville. Leurs tailles donnent bien une idée de l’importance de l’usage de la chaux à l’époque.
Édifies en 1852 par Victor Bunel, les quatre fours fournissaient plus de 20000 tonnes de chaux annuellement. La proximité du port offrait de grandes facilités d’exportation, mais aussi d’importation. En effet, la calcination en continu était grande consommatrice de charbon, ce dernier arrivait en provenance du Pays de Galles.
Le site est impressionnant avec ses allures de château fort.

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Si le principe de cuisson est semblable aux fours précédents, on note des différences notables. Les embrasures sont spacieuses, pas assez cependant pour permettre le passage d’un tombereau attelé.

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La position surélevée des ouvreaux permet une extraction plus aisée. En dessous, se trouve le cendrier qui collecte la chaux poudreuse mêlée de cendre de charbon (menue chaux).

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L’autre grande différence provient de la présence de foyers secondaires placés à mi-hauteur. Ils permettent de relancer éventuellement la combustion et de contrôler le tirage.(Procédé Simonneau.)

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On accède à ces foyers intermédiaires par les coursives qui parcourent les murailles.

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On imagine sans mal le terrain de jeux pour gamins que présentait ce site en friche avant que le Conseil Général en fasse l’acquisition en 1987.

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Maintenant, il est propre comme un sou neuf et son entrée payante donne également accès à un musée maritime.

 

Faisons un autre petit saut géographique et temporel. Proche de Caen au milieu d’une friche, on peut encore trouver les ruines de fours à chaux plus récents. Le démantèlement du site ainsi que les Michel-Ange locaux font que les lieux sont en piteux état.
Si on ne peut trouver d’intérêt plastique à ces vestiges, on peut tenter d’y découvrir des éléments susceptibles d’éclairer notre lanterne sur le fonctionnement des fours à chaux. Hélas, bien que l’arrêt de l’exploitation doit remonter aux années 1950, je n’ai pratiquement pas trouvé de documents concernant cette exploitation malgré son importance.

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Ces fours fonctionnaient en parallèle à l’exploitation d’une importante carrière souterraine de pierres à bâtir. On peut supposer que les déchets de taille servait de matière première à la fabrique de la chaux.

A proximité des fours, un puits d’extraction profond d’une quinzaine de mètres débouche au fond dans la carrière souterraine.

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Voici tout ce qui reste du système qui véhiculait la pierre à cuire de la carrière aux gueulards situés au-dessus de notre tête.

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En se frayant un chemin dans les gravas, on peut pénétrer au pied de deux grands fours. La vue en contre-plongée de ces « puits » offre un spectacle toujours spectaculaire.

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La partie dégradée de la paroi du four permet de constater que les briques réfractaires qui tapissent les parois du four reposent à la base sur une cornière métallique circulaire.

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Au-dessus des ouvreaux de taille respectable, des équerres métalliques sont fixées laissant supposer un usage en rapport avec la sole.

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Face à ces deux fours, l’autre partie des bâtiments enferme deux autres fours de taille plus modeste.

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Les gueulards obturés font que les parois, recouvertes d’une épaisse pellicule, ont conservé une belle couleur éburnéenne.
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Pourquoi deux tailles différentes de four sur ce site ? Aucune idée et une fois de plus, nous quitterons les lieux quelque peu frustrés de ne pas en connaître les tenants et aboutissants.

En Normandie, les vestiges de fours à chaux sont relativement nombreux. La proximité de la Bretagne, dont le sol acide nécessitait d’être amendé, ainsi que le centre sidérurgique de Caen plus récemment, ont offert des débouchés pour cette industrie.

Si le principe de cuisson est à peu près partout le même, chaque four possède ses caractéristiques qu’il est bien difficile d’expliquer après coup. Peut être qu’un spécialiste comblera nos lacunes.

 

J’aurai bien aimé conclure sur une note joyeuse, mais coïncidence malheureuse, je viens d’être témoin en direct dans l’Aveyron de la mise à mort d’un four sacrifié sur l’autel de l’amélioration du réseau routier.

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Le four a chu
Il appert que beaucoup me chaut !

 

Fours à chaux normands

Chaux devant !
Ce que j’apprécie particulièrement à la vue de ces vestiges industriels, c’est l’architecture uniquement fonctionnelle. Ici, pas de fioriture ni de superflu. Le ciment et ses constructions industrielles normalisées n’ayant pas encore fait leur apparition, les ruines de pierres ou briques conservent ainsi une belle allure qui s’intègre harmonieusement dans le paysage grâce à l’utilisation de matériaux locaux.
Sur les rives de la Vire, plusieurs fours dressent encore leurs imposantes structures. Utilisée dès l’antiquité pour amender les champs et la maçonnerie, la chaux était un élément important dans l’activité rurale. L’avènement de la sidérurgie a augmenté considérablement les besoins, la chaux faisant partie du cycle de l’élaboration de l’acier.
Le principe de fabrication est simple puisqu’il suffit de porter du calcaire à une température de 900° minimum pour obtenir de la chaux vive.
Le passage à l’acte est un peu plus complexe et le fonctionnement des fours demandent un grand savoir-faire de la part des chaufourniers.
Je dois avouer que la visite des lieux m’a apporté autant de questions que de réponses concernant les subtilités de ce métier.
En général, les différents types de four de calcination se présentent sous la forme d’un puits de forme ovoïde qui s’alimente par le haut et se vide par le bas. Ensuite, cela se complique.
La calcination du calcaire s’effectue dans deux types de four dits à combustion intermittente ou à combustion permanente.

 

Les fours de Cavigny font partie d’un complexe industriel datant de la moitié du 19e. Ils ont été construits sur les plans d’Alfred Mosselman, industriel franco-belge, qui a beaucoup œuvré en Normandie. L’activité a perduré jusqu’en 1930. L’apparition des engrais chimiques et l’usage du ciment entraînèrent la fin de l’activité.
De chaque côté de la Vire, trois sites sont classés.
Commençons la visite par le site privé de La Meauffe.
A proximité des fours, la carrière de calcaire est devenue un charmant petit lac où la brise normande donne la chair de poule à la surface.

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Une vue aérienne datant de 1947 donne une bonne idée du site.

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Sur le plancher des vaches, si les bâtiments annexes ont disparu, on retrouve les deux constructions qui abritent les fours .

Four à chaux (5)

 

Le premier, comme bien souvent, est adossé à un talus pour faciliter l’accès aux fours qui s’alimentent par le haut. (Gueulard)
Un rapide coup d’œil permet de constater qu’il ait subi des transformations au fil du temps.

La meauffe

 

Déjà la première question sans réponse : Quel pouvait être l’usage de ces trappes en façade ? Contrôle du tirage ? Je ne sais.

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Etant donné que l’accès intérieur du bâtiment est réservé aux chiroptères, rabattons-nous vers l’autre bâtiment.

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Pour cebâtiment, pas de talus, l’accès aux gueulards s’effectuait à l’aide d’une rampe inclinée aménagée d’une petite voie ferrée.

rampe
Une petite dérivation des eaux de la Vire a permis l’implantation d’une roue à aubes chargée de mouvoir un treuil afin de tracter les wagonnets.

roue a aubes

 

La bâtisse est longée d’un petit chenal qui conflue avec la Vire. Un quai permettait de verser la chaux dans des gabares. Les vestiges encore en place ne me permettent pas d’en appréhender le fonctionnement.

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L’intérieur des bâtiments en briques se présente sous la forme de deux couloirs principaux coupés de traverses orthogonales où la lumière a du mal à se faufiler.

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Au-dessus de nos têtes, les croisées des voûtes ne manquent pas d’élégance évoquant une sorte de mandala au camaïeu d’ocres.

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La taille des piliers peut surprendre, mais l’interrogation est vite levée quand on comprend qu’ils renferment la base des fours comme l’indique cette embrasure murée.

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Par ces embrasures, on accède aux huis qui desservent le bas du four. (Ouvreaux). Une porte entrebâillée, après une reptation pénible, me donne accès à l’intérieur du four.

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La vue dans cet espace confiné est assez impressionnante.

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Détaillons les lieux :
1/ Au pied, l’aplomb est occupé par un cône en pierre. Je suppose que ce dernier est chargé de guider les pierres concassées vers les ouvreaux. Les barres métalliques coudées devaient servir d’appui à des barres de fer horizontales et amovibles formant une sorte de grille soutenant les blocs de pierre.
Il faut remarquer que la pression verticale exercée sur la grille est atténuée par la forme ovoïde des parois.

Four à chaux (7)

2/ Manifestement les ouvreaux servent à démarrer le foyer ainsi qu’au défournement.
3/ Le revêtement en briques réfractaires commence à 1.50 m. du sol ce qui correspond à la hauteur du cône.
Toutes ces observations me font pencher pour un four à cuisson permanente ce qui est compatible avec la volonté de production industrielle du site.

Les fours se présentent donc à peu près de cette façon (proportions inexactes) :

Four à chaux (1)

 

Concernant la suite, l’avis d’un spécialiste sera le bienvenu.
Avec beaucoup de précautions, je propose cette méthode. Par les ouvreaux, on allume un gros foyer sur lequel on déverse du charbon et une couche de calcaire retenus par les barres métalliques qui font office de sole.

Au fur et à mesure du remplissage, le foyer se déplace verticalement vers le haut Par gravitation, le calcaire calciné descend vers la base du four en se refroidissant. Au travers des ouvreaux, le chaufournier extrait les pierres à l’aide d’un crochet (havets ou ringards) en déplaçant les barres amovibles. Il est étonnant de constater que la taille réduite et la position au ras du sol des ouvreaux ne devaient pas rendre la chose facile. Cela ne semble pas très fonctionnel pour une production industrielle, mais il y a certainement une explication.
Le volume du sous-tirage de la chaux est compensé par l’apport de calcaire et charbon dans le gueulard. Le cycle est ainsi ininterrompu.

Toujours au niveau des interrogations, je suppose que la granularité du concassage du calcaire doit avoir une grande importance afin de permettre le tirage du foyer. Au pied du four, les portes des ouvreaux peuvent permettre de réguler celui-ci ?

Plutôt que risquer de s’étendre en billevesées, nous continuerons la visite des autres fours dans un prochain article. hand-cursor

Révolutions 2017

 

Et voilà, notre bonne vieille terre va entamer une nouvelle rotation autour du soleil qui durera un an. Son climat est de plus en plus perturbé par des homo-parasitus vraiment turbulents qui pullulent et par les flatulences des vaches qui puent tout court.
Et pourtant, « E pur se muove ». Ainsi, l’année dernière, mine de rien, vous avez parcouru pas loin d’un milliard de kilomètres
Et il va falloir remettre ça ! Afin d’entamer ce périple du mieux possible, je vous conseille de partir légers. Mettez dans un grand sac toutes ces choses qui vous ont pourri la vie l’année passée et balancez-le vite dans la benne à tout-venant.

Il est souvent conseillé de ne pas regarder derrière soi, d’aller de l’avant. Baguenaudes tentera de le faire en vous proposant des photographies de son « avant », c’est à dire: des vieux machins rouillés et tout cassés qui traînent ça et là.

Je vous souhaite donc d’entamer une magnifique randonnée de 949 650 000 kilomètres, (bon prétexte à vous mesdames pour acheter de nombreuses paires de chaussures) sur des chemins qui fleurent bon la noisette et d’attraper le moins possible d’ampoules aux pieds.
 

 

Un kilomètre à pied ça use, ça use.
Un kilomètre à pied, ça use les souliers.
Deux kilomètres à pied ça use ça use…..
Rendez-vous dans environ 949 650 000 kilomètres*.
Comme dit souvent la Comtesse à l’air bouchée dès qu’elle court: qui sait comment on endure les bornes? La dope, ça empire quand on essaye un petit galop!

 

Voici, en guise de carte de vœux, un plan qui pourra guider vos pas

Carte du tendre.jpg
Par François Chauveau ( fr:Carte_de_Tendre), Domaine public, Lien

 

*J’ai pris comme référence le périmètre de la Terre à Vesdun, considérée comme centre de la France par l’IGN, le tout quelque peu majoré pour tenir compte de vos propres déplacements car je vous sais adeptes forcenés du footing !
Je me suis borné au système solaire sinon, on en finit plus !

Vialas Le Bocard

 

Cévennes, Gévaudan, Margeride ces mots évoquent des terres austères où le climat excessif a sculpté des paysages riches en sites somptueux, mais aussi pauvres économiquement. Pourtant, si le sol n’est pas favorable à des cultures extensives, il n’y a pas si longtemps, le sous-sol a fourni, quant à lui, de grandes quantités de matières premières bien rentables.
Aujourd’hui, nous allons visiter les ruines spectaculaires de l‘usine de traitement de minerai de Vialas. Dans cette aire géographique aussi peu urbanisée, la rencontre de ces vestiges est saisissante.
A la fin du XVIIIe siècle des filons de plomb argentifère sont découverts sur la commune.
Le minerai est d’abord traité à Villefort, mais suite à la richesse du gisement, en 1927, il fût décidé de transférer l’usine à Vialas sur les lieux de l’extraction.
La configuration accidentée du relief n’est pas propice à l’implantation d’un site industriel, qu’importe ! Il suffit de construite une voûte au dessus d’un petit affluent du Luech. Cette voûte longue de 100 mètres supportera une plate-forme où seront implantées les infrastructures de l’usine et ses nombreuses dépendances.

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Deux kilomètres en amont du site, l’eau du Luech est en partie canalisée jusqu’à l’usine pour servir de force motrice aux différents pilons chargés de broyer le minerai (Bocard).



 

Une des rares vues d’époque de l’usine donne bien une idée de l’importance du site.

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L’ouvrage a subi les outrages du temps depuis sa fermeture en 1894, les sites industriels n’étant pas bâtis pour durer. La récupérations de matériaux ( pierres tuiles) a accéléré la dégradation du site, mais les pans de mur restants sont de toute beauté démontrant l’audace des architectes et l’habileté des maçons cévenols pour qui l’art de la voûte n’a plus de secret depuis longtemps.

 

Avec le temps, l’environnement champêtre confère au site une ambiance très particulière, bien éloignée du vacarme et de la poussière qui devaient régner quand il était sous l’emprise du dieu Vulcain.

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Les mines consommaient beaucoup de bois pour le soutènement aussi des flancs entiers de montagne ont été boisés pour subvenir à ces besoins. Les descendants de ces plantations envahissent les lieux et maintenant, paradoxalement, contribuent à leur effondrement. Il devient difficile de reconnaître l’usage des différents bâtiments démantelés.

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Le bâtiment principal abritait la fonderie. La toiture en tuile a complètement disparu, seuls subsistent les murs extérieurs sur lesquels on peut deviner encore quelques voussoirs.

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Le traitement du minerai exige de nombreuses phases de traitements mécaniques et chimiques pour récupérer le métal convoité. Pour donner une idée, il fallait arracher 80 tonnes de minerai à la montagne pour obtenir 300 grammes d’argent ! Malgré le faible rendement, Vialas fournissait un quart de la production nationale. La production de plomb était accessoire.
Le tri manuel à la sortie des mines, le concassage à l’aide de bocards (qui a donné son nom à l’usine) suivis du criblage sont effectués en amont de la fonderie pour obtenir les schlichs. (Papy Mougeot nous explique que ce schmilblic est le résultat du minerai réduit en poudre, puis lavé).
A partir de cette poudre, il faut ensuite séparer les différents éléments qui la composent : soufre, plomb, argent, roche encaissante. Ces différentes étapes chimiques vont s’effectuer au travers de la cuisson.
Nous sommes ici devant les magasins des combustibles:

schlichsLà aussi, plusieurs opérations sont nécessaires, au combien complexes et enrichissantes question vocabulaire comme nous allons le constater.
Le processus (très simplifié) commence par le grillage qui sépare le soufre du plomb.
Une fouille récente a mis à jour des foyers des fours de grillage.

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Le minerai est ensuite passé dans un four à charbon afin de « libérer » le métal. A la fin de cette opération on obtient du plomb qui contient de l’argent séparé des scories.
On peut encore trouver des traces de laitier. (Roche non métallique devenue liquide par la cuisson.)

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Il faut maintenant séparer l’argent du plomb.
Cette opération s’effectue grâce à la coupellation.
La matière à traiter est placée dans une sole concave, sorte de grand creuset. Au fur et à mesure de la chauffe, le plomb aigre est écrémé en surface sous forme d’écume. Plus tard, les scories (abzugs) sont retirées à la surface du four à l’aide d’un racloir. Les abstrichts (impuretés) montent à la surface du bain et sont retirées de la même façon. Plusieurs heures de chauffe sont encore nécessaires pour que le plomb marchand (Litharges) surnage tandis que l’argent, plus dense, se concentre sous forme de galette au fond de la coupelle.
Je suppose que cette opération s’effectuait à cet endroit.

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On ne peut s’empêcher de penser aux inhalations délétères que respirait ces « Nicolas Flamel » qui transformaient le plomb, non pas en or, mais en argent, ce qui est déjà pas mal!.

 

Une des caractéristiques spectaculaires du site est la cheminée rampante qui domine l’usine. Longue d’une centaine de mètres, elle s’appuie sur le flanc escarpé du vallon. Assurant un fort tirage aux nombreux fours, elle éloignait le plus loin possibles les vapeurs nocives.
Elle avait une autre fonction. Elle possédait des chambres de condensation où étaient récupérées les fines particules d’argent en suspension dans les fumées. Pas question que l’argent parte en fumée !

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Passons maintenant sous l’usine pour admirer la voûte qui enjambe la rivière. Elle constitue l’aspect le plus spectaculaire des vestiges de l’usine. Le parcours souterrain révèle l’audace de et l’ampleur de l’édifice.

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L’activité de l’usine était tributaire du niveau d’eau qui, on le sait, est très fluctuant dans les Cévennes. Pour pallier cet inconvénient, une machine à vapeur a été installée plus tard. La hauteur de la voûte a été concue de manière à contenir les éventuelles crues.

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En parcourant le lit de la rivière, j’ai eu la surprise de tomber sur un vestige très intéressant.

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Ce bout de ferraille à l’apparence anodine est en fait un bout de rail Brunel ou Barlow issu vraisemblablement des aciéries de Decazeville ou Aubin.
Le barlow permettait de se passer de traverses en bois.

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Séduit par cette innovation britannique, Cabrol à Decazeville installe un train de laminage pour une production à grande échelle. Las pour les actionnaires, les inconvénients (résistance à la flexion, qualité du fer, difficulté de fabrication) ont pris le pas sur les avantages et ce type de voies ferrées a été rapidement abandonné. Pendant un temps le stock de rails sera reconverti pour un usage de poutrelles comme on peut le constater dans les ruines de l’usine de Vialas.

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Les exemplaires encore visibles de ce type de rails sont devenus très rares et méritaient bien cette petite digression.

Longtemps menacé de ruine totale, le site est maintenant pris en charge par la Mairie de Vialas, le Parc National des Cévennes et l’association Le Filon des Anciens qui souhaitent le mettre en valeur tout en le sécurisant. Ce type d’initiative est suffisamment rare pour être signalé.

 

Pour aller plus loin:
Association Le filon des anciens Site très complet sur l’usine du Bocard.hand-cursor
Des archives très interressantes rassemblées par Mr Jean Marie Gazagne et publiés par Vialas en Cévennes.hand-cursor
La saga du rail Barlow.hand-cursor

 

L’église de Ménil-Gondouin

 

Je vous ai déjà proposé des visites virtuelles d’édifices religieux. J’avoue être assez sensible à la sobriété pour ne pas dire à l’austérité du style roman qui parfois recèle de petites facéties sculptées .
Mais aujourd’hui, nous allons changer complètement de registre avec l’église de Menil-Gondouin, minuscule commune de l’Orne. Je l’ai dénichée par hasard en cherchant autre chose, comme quoi les voies du Seigneur…
Il faut avouer qu’en empruntant une petite route, on ne s’attend pas à passer devant une telle façade !

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Ça pique un peu les yeux ! Nous ne sommes pas loin de ce que l’on pourrait qualifier d’art brut sur un support peu courant, pour ne pas dire unique! L’ensemble est pour le moins original dans cet environnement rural et nous change des représentations de style pompier si fréquentes fin XIXé siècle.
Édifiée en 1870, l’église voit débarquer trois ans plus tard le curé Victor Paysant.
Féru d’archéologie et homme de culture au caractère bien trempé, il est impressionné par l’invention des frères Lumière. Il entreprend alors de décorer son édifice pour en faire, suivant ses dires une « Eglise vivante et parlante ».
Et des mots, il y en a ! Textes en latin et français recouvrent la façade dans un joyeux imbroglio coloré.
Les motivations qui ont guidé Victor Paysant sont difficiles à définir. Les compositions s’apparentent un style naïf or, le curé avait une réputation que l’on qualifierait maintenant d’intellectuel. On pourrait penser également que ce style « BD » serait une volonté de vulgariser les messages pastoraux afin de les rendre plus accessibles, mais cette propagande écrite devait rester indéchiffrable pour la grande majorité des fidèles qui fréquentait son église.
Sans doute inquiet que le curé tagueur ait souillé la bible, le diocèse fit effacer toutes les fresques à la mort ce dernier en 1921. Heureusement, 90 ans plus tard, cette manifestation pas très orthodoxe de la Foi ressuscita grâce à l’initiative de la municipalité. En 2006, la réhabilitation de ce patrimoine unique était achevée.
Une carte postale d’époque montre que la restitution effectuée par les établissements Sineux et frères est très fidèle.

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Cette abondance de messages est bien pratique puisque je n’ai pas besoin de légender les photos, les murs parlent d’eux-mêmes !

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Ma foi, quel lion ! Il nous indique qu’il faut s’adresser au café pour visiter l’intérieur.

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La nef lumineuse a de quoi dérouter avec sa profusion de décorations au couleurs vives et aux nombreux messages pastoraux soigneusement calligraphiés. On peut admirer de jolis poteaux peints.

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Un panneau pour sortir moderne a même été intégré dans la composition.

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Le transept et le sol n’échappent pas à l’exubérance décorative.

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Du haut de sa chaire, l’éthique du prêcheur devait avoir une indéniable prestance.

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Cependant, loin de moi l’idée de choquer, mais je ne peux m’empêcher de penser que le confessionnal a davantage allure de guérite de marionnettiste.

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Nous sommes parfois plus proche d’Hergé que de Michel-Ange,

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mais ce sont bien les messages de l’Evangile qui ornent les murs.

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Il faut rester un sacré bout de temps si on veut lire toutes ces enluminures murales et, croyant ou pas, la visite de cette église est pour le moins déconcertante.

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Plongé dans la lecture de toute ces calligraphies, j’allais oublier: Où peut-on contempler ces faces aux jolies fresques ?
Il faut vous rendre dans le Pays d’Houlme, vingt kilomètres à l’Ouest d’Argentan dans l’Orne.



Pour approfondir, vous pouvez consulter cet article très intéressante hand-cursor

La colonie agricole et pénitentiaire du Luc. (Cellules)

 

Je vous ai déjà décrit mes observations concernant la colonie agricole du Luc au cours de ces trois articles:
la genèse,
les bâtiments,
la fromagerie.

 
A la suite d’une nouvelle visite , il m’a semblé intéressant de revenir sur quelques témoignages laissés par les colons au cours des séjours qu’ils effectuaient en cellules.
Le but n’est pas ici de surfer sur une corde sensible, bien qu’il soit difficile de déchiffrer ces graffitis sans éprouver un sentiment de compassion ou de révolte, mais il faut tenter de se replacer dans le contexte de l’époque où la notion d’enfant roi n’était pas franchement d’actualité.
Quittant la civilisation en sortant de la gare d’Alzon, les gamins ou adolescents qui se rendaient à la colonie devaient se demander sur quelle planète leurs existences allaient dorénavant se dérouler. Issus pour la plupart de villes, la découverte de cet univers minéral et silencieux devait vêtir leur moral d’un paletot bien lourd à porter.

Déjà privé de liberté jusqu’à sa majorité, pour le colon récalcitrant, la double peine sous la forme d’ un séjour en cellule était fréquente.

Au Luc, les 5 cellules sont les seules parties des bâtiments restées en l’état et je remercie le propriétaire qui m’a ouvert l’huis, me permettant ainsi d’écouter parler les murs.

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En haut et en bas de la porte, serrure doublée d’une targette, judas fermé par une trappe métallique, les moyens de fermeture sont bien afférents à ceux d’une porte de cellule. Ces mesures carcérales semblent bien excessives quand on sait que toute évasion relevait de l’utopie tant l’environnement était désertique. Pourtant, plus d’un ont tenté de se faire la belle.

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Le passe-plat, au ras du sol n’échappe pas à la règle. C’est pourtant par cet orifice que le dénommé Bottari aurait réussi à forcer la serrure du bas et par le judas celle du haut. Cette version, relatée par les chaussettes à clous, parait peu probable, une complicité extérieure me semble plus plausible.

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Le décor est vite planté. Quatre murs, une porte et un soupirail muni de barreaux. Pas de moyen de chauffage.

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Du sol au plafond, les murs sont recouverts de graffitis. On est fortement interpellé par tous ces noms tantôt soigneusement calligraphiés tantôt furtivement ou maladroitement tracés. En essayant de les déchiffrer, on ne peut s’empêcher de les personnaliser en y greffant par imagination une évocation de ce que pouvait être le caractère de leurs auteurs. Hargneux Pieroti dont le patronyme est profondément gravé en plusieurs endroits ? Rêveur Druais avec son penchant manifeste pour le dessin? Fataliste Chouvin et son poème pessimiste? Insoumis Rustoll? Amoureux Giraud? Je suis certainement à côté de la plaque, mais qu’importe, ces témoignages d’enfants méritent bien qu’on s’y attarde.

C’est sur la peinture écaillée des portes que l’on peut relever les inscriptions les plus anciennes. Parmi la profusion d’inscriptions, on peut distinguer ici un Albert Villeneuve né(e) à Oran en 1892.

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Au fil du temps, les murs ont été enduits plusieurs fois aussi les gravures que l’on peut distinguer aujourd’hui appartiennent à la dernière période alors que le Luc était passé sous la tutelle de l’Assistance Publique (1904-1929).

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Le temps efface petit à petit les traces. Les mentions du lieu et date de naissance sont pratiquement systématiquement mentionnées. Ce sont bien souvent les seuls éléments connus de ces enfants concernant leurs origines et l’on comprend qu’ils s’y accrochent. On constate des provenances géographiques très variées. On peut noter que plusieurs graffitis indiquent des colons originaires d’Algérie (Constantine, Oran, Orléansville). Sans doute une des conséquences de l’immigration encouragée suite à la révolution de 1848. Le manque de préparation et les maladies ont causé beaucoup de décès ce qui a dû engendrer de nombreux orphelins.
Ici, on devine La Roche sur Yon.

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Armel Charteau 21 Octobre 1896 à Nantes souhaite le bonjour à tous.

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A quelles amours s’adressent ces cœurs ? Parmi tous les entrelacs je n’ai pas discerné de prénoms féminins. Je n’ai pas non plus remarqué de graffitis à sous-entendu graveleux.

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Pour tromper l’ennui, certains esquissent un autoportrait à moins que ce soit le visage d’un camarade comme l’atteste la présence d’un béret qui faisait partie de l’uniforme du colon.
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Est-ce le même colon qui rentre poule et poussins à l’abri du renard?

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Ici la seule représentation féminine que j’ai vue. Le texte accompagnant cette élégante au sourire en coin est à jamais perdu.

Colonie agricole du Luc (7)Ce profil est peut-être dû au même artiste.

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Là, nous avons droit à un marin déclarant: Je suis un fayot de la marine ! Une moquerie envers un gardien ancien militaire ? Encore une supposition!
En dessous, un carré magique formé des chiffres de 1 à 9 et dont chaque ligne est un total de 15. Les degrés d’instructions que l’on peut déduire grâce aux graffitis sont pour le moins hétérogènes.

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Le bis mentionné à la dernière ligne fait penser à un chant dont les paroles sont perdues. On ne saura pas ce qu’il fallait garder dans notre coeur…

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JE SORTIRAI QUAN DIEU LE VOUDRA VOICI 19 JOUR QUE JE SUI EN CELULE
Est-ce Permann(?) Jean-Marcel qui a tenté ces calculs ? Voila 432 heures que je suis en cellule. 224490 minutes et 1393 secondes.
Il compte les jours, les heures jusqu’aux secondes, mais fataliste, il ajoute plusieurs fois : MES ENFIN JE NE MAN FE PA

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Sur ce panneau, on peut voir en plusieurs endroits, 5 points assemblés comme sur une face de dé. Dans les prisons, ce signe symbolise l’enfermement entre quatre murs.
Figure également la date de 1927. Bien que devenue Ecole professionnelle en 1904, il apparaît clairement que les méthodes héritées de la période pénitentiaire ont perduré jusqu’à la fermeture en 1929.

 

La notion de classe militaire est très présente dans les graffitis. Pour beaucoup, l’engagement dans l’armée était la solution choisie à leur sortie du Luc. Arrivé à l’age de 13 ans, Rastoll entame sa dernière année au Luc en cellule.

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Dans une autre cellule, Rastoll nous indique son 2eme prénom: Manuel

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Louis Raymond Chouvin a gravé son nom en plusieurs endroits. Manifestement, il a effectué plusieurs séjours en cellule.
Peut-être par esprit bravache, il nous a laissé un poème. En est-t-il l’auteur ? Peu importe,clic! le texte fait froid dans le dos tant il décrit l’avenir qui était réservé à nombre de ces colons qui se sont retrouvés déphasés à leur libération.
La Loire m’a vu naître
L’Assistance m’a vu paraître
La colonie de Mettray dans la torture
La colonie du Luc dans l’esclavage
Les prisons me verront rentrer
Le bagne me verra souffrir
Et Cayenne sera mon tombeau
Et debler* me fera passer le cou par la lunette
L’échafaud me verra mourir.

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A 18 ans, en traçant ces lignes, ce Chouvin était d’une lucidité effrayante et ne se faisait guère d’illusions quant à son avenir lointain. Néanmoins, cet originaire de Saint-Etienne pense à se mettre au vert:A moi la Loire et ses filles charmantes dans six mois au jus.

 

Sur ce chevron réutilisé pour une modification de la toiture, on peut déchiffrer : Elena est rentré à la Colonie de Beaurecueil le 10 mars 1873 et au Luc le 24 ?
C’est la plus ancienne inscription que j’ai pu relever.

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Ce message se passe de commentaire !

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MES CHERS AMIS
PRENEZ TOUS LA FUITE
NE RESTEZ PAS AU LUC
Pierotin, Coste, Mustapha, Giraud, Mollier, Toselli, nombreux sont les patronymes que l’on peut déchiffrer avec un éclairage rasant dans les différentes cellules. Au cours de différents séjours, ces jeunes rebelles aux origines très variées ont laissé leurs noms, sinon pour perpète, du moins tant que dureront les murs.

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Refermons doucement la porte sur les fantômes des colons du Luc.

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Carreau de mine

 

Heureux amateurs d’endroits inhabituels, je vous ai déniché un site minier assez incroyable.
Les traces de l’activité minière ont été la plupart du temps rasées sans scrupule. Comme témoignages de cette époque florissante, ne subsistent que quelques sites transformés en musées bien rangés peinant à rendre l’ambiance des conditions de travail.
Aujourd’hui, nous allons parcourir une installation qui donne l’impression que l’activité a cessé hier. Le temps semble s’être arrêté par un coup de baguette magique ou plutôt de gourdin tant les conséquences économiques de l’arrêt des exploitations furent catastrophiques dans les régions minières.
Tout est en place, même la poussière authentique est partout bien présente. Bien sûr, le puits est sécurisé par une dalle de béton, mais les installations de surface sont restées telles quelles et  on ne serait pas surpris de croiser Lantier au détour d’un bâtiment.
Pour des raisons évidentes de préservation, je n’indiquerai pas le lieu, car à chaque visite, j’ai constaté que des choses disparaissaient. Ainsi la charmante secrétaire des lubrifiants Cofram dessinée par Aslan ne répond plus au téléphone. Heureusement, l’endroit est maintenant sous surveillance vidéo.

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Pour les termes techniques, vous pouvez consulter le glossaire.

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Le chevalement est encore dressé, ce qui déjà est rare mais, de plus, les molettes sont au sommet d’une structure en bois qui, dorénavant, doit être unique en France. (La présence de ces mi-molettes n’indique pas forcément une situation nordique.)

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Au pied du chevalement, sur le carreau, nous trouvons les deux cages desservies par un platelage.

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Les cages sont exiguës, adaptées à la taille des berlines et il est difficile d’imaginer qu’un âne pouvait y prendre place.

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Il était chargé de tirer les berlines dans les travers-bancs comme le montre cette photo rare récupérée par Mr Grimal.

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Contrairement à ce qui est souvent rapporté, tous les samedis, les deux équidés remontaient au jour pour profiter de l’herbe tendre. L’opération devaient être délicate ressemblant à cela mais, les témoignages des mineurs sont unanimes quant aux bons traitements prodigués envers ce compagnon de travail.

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Pénétrons maintenant dans le poste de commandes des treuils. Au premier plan, les deux manettes de frein. Sur la gauche, l’indicateur de niveau matérialise la position des cages à l’intérieur du puits.

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Les câbles sont encore tout luisants de graisse. On notera la civière métallique accrochée au mur du fond.

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Le généphone antidéflagrant qui permet de communiquer en toute sécurité.

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Devant le poste de commande des treuils, une petite voie ferrée de 0.50 m. dessert les différentes trémies.

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Système de retournement des berlines ( basculeur ) pour déverser le minerai dans les trémies.

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Le même vu de dessous.

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Un cheminement par norias à godets fait passer le minerai par différents concasseurs pour le calibrage.

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Nous continuons la visite par un détour par le poste de charge des lampes. ( Disparues à ma dernière visite ). Ces barrettes en cuir bouilli ne devaient plus être employées depuis longtemps.

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Dehors, nous pouvons voir un bras de haveuse maintenant inutile et sans doute un peu amère.
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Les dents de l’amère.
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Pour me faire pardonner ce calembour désastreux, voici une petite vidéo illustrant l’emploi d’une bête semblable un peu plus grosse…

 



 

 

A sa gauche, un vestige fort intéressant: une pelle EIMCO. Apparue en Europe après la seconde guerre mondiale, c’est une des premières mécanisations de chargement des berlines.

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Ce fut un grand progrès tant en gain de productivité qu’en pénibilité du travail.

 

Extrait de British Pathé

 

Un peu plus loin, sont stockés des rallonges de fleurets ainsi qu’une pince à purger au milieu d’un fatras de poulies, chaînes et engrenages.

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Nous finissons la visite de tous ces incroyables vestiges où le temps semble figé par le cimetière de berlines où lézards et vipères trouvent moult abris parmi ces rebuts. Souhaitons que la léthargie de ces poubelles au Bois Dormant perdure encore longtemps.

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