Toitures à la Philibert

 

En Lozère et Aveyron, le profil des toitures de certaines bâtisses ne manque pas d’attirer le regard. On ne peut s’empêcher de songer à une carène de bateau inversée.

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Pourtant, la tradition maritime de ces départements est loin d’être évidente !
Traditionnellement ces charpentes sont qualifiées de charpente à la Philibert Delorme.
On doit à cet architecte (1510-1570) de nombreuses réalisations dont le château d’Anet.
Sa  participation éventuelle au bâti rural qui nous intéresse concerne une invention qui permet de réaliser des charpentes à moindre coup. En effet, celles-ci comportent une succession d’arbalétriers formés par des planches courtes et cintrées assemblées par des chevilles et dont les joints sont alternés. Ces arbalétriers supportent les voliges où sont accrochées ou clouées les ardoises.Toitures Philibert (2)
Les arbalétriers sont reliés entre eux par des liernes fixées par des clefs.gallicaDocuments Gallica.
Il devient beaucoup plus facile de remplacer un élément défectueux et il n’est nul besoin d’employer du bois « noble » ce qui répond à la pénurie de bois de charpente dont souffrait l’époque. Outre la diminution des frais, ces structures offrent le gros avantage de libérer l’espace utilisable des combles.
Il ne reste plus de charpente conçue par Delorme mais sa méthode a rencontré un grand succès et on peut considérer que Delorme est en quelque sorte l’inventeur du lamellé collé.
Pour autant, est-il à l’origine de nos toitures rencontrées sur les berges du Lot ? Rien ne le prouve.
Ces édifices ont bien une similitude avec les charpentes « Philibert » mais sont dépourvues des liernes qui relient les arbalétriers cintrés. La plupart des constructions recensées datent de la fin du XVIIIe début XIXe et sont assez concentrées géographiquement ce qui peut amener à penser qu’il s’agit là plutôt de l’influence d’un compagnon charpentier qui a fait école. La plupart des photos qui suivent ont été prises dans les environs de Saint Côme. Il est à noter que souvent ces charpentes sont en peuplier, bois qui peut se cintrer facilement et qui pousse près des rivières.

 

Alors, Philibert, pas Philibert, carène de bateau ? Qu’importe, naviguons sur  les vagues des monts  aveyronnais à la recherche de quelques toitures aux rondeurs esthétiques parées de lauzes en écailles de poisson.

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Coiffant de simples granges, ces charpentes permettent également des toitures plus complexes.

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Le grand volume que déployait cette grange a été réaménagé de façon contemporaine.

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A Saint Come, la petite chapelle des pénitents possède aussi une toiture dite à la Philibert.

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Pour notre plaisir, la charpente est visible de l’intérieur.

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Détail des arbalétriers formés de trois rangées de planches chevillées entre elles et dont les bouts sont jointés en alternance.

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Avant de quitter les lieux, afin d’éviter le torticolis, tournez aussi votre regard vers le sol, celui-ci comporte de belles dalles funéraires.

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La technique décrite par Philibert Delorme. .hand-cursor .

 

 

11 réflexions sur « Toitures à la Philibert »

  1. economie de bois mais gros travail de perçage pour le passage des liernes et des clefs
    pas surprenant que les artisans aient supprimé cette operation
    Continue mon gars

  2. Passionné d’architecture, je ne connaissais pas ce style de toiture. Merci à toi pour la découverte et pour tes articles toujours passionnants. Continue !

  3. les charpentiers de marine souvent cités dans les construction de voûtes en berceau des églises
    n’ont-ils rien à voir le dedans ?
    c’est peut-être une grosse bêtise ? on ne peut pas toujours être intelligent !
    bise à toi gadjo et merci pour tes découvertes que tu sais nous faire partager
    ( j’aurai pu passer devant ces superbes maisons sans les remarquer ! )

    • Merci de ton passage. Au bord de la mer, je pense que tu as raison, mais dans l’Aveyron les charpentiers de marine devaient être très rares vu les débouchés possibles. Bon , je pense qu’il n’y a pas non plus 36 façons de faire des charpentes surtout si on veut conserver l’espace des combles pour divers fonctions. Je pense que dans la région, on parle un peu vite de charpente « à la Philibert », mais, peut être dis-je une groose bétise ! 🙂

      • Il me semble que les vikings ont colonisé le massif central. Ca vient peut être de ce peuple de commerçants sur flotte.

  4. Ces toitures « à la Philibert », sont effectivement rencontrées en Lozère, principalement dans la vallée du Lot et villages riverains jusqu’à l’amont de Mende. Les érudits locaux nous disent qu’elles étaient construites par des compagnons charpentiers de marine installés dans la basse vallée du Lot (partie navigable du cours d’eau) où ils construisaient barges et gabares (transport du charbon). Ces ouvriers, nombreux, manquaient périodiquement de travail; ils remontaient alors la vallée et proposaient aux paysans leur savoir-faire pour construire de solides toitures en carène renversée susceptibles d’abriter de plus grands volumes de foin dans les granges que les toitures ordinaires à deux pentes. La partie basse des toitures était légèrement relevée pour renvoyer l’eau et la neige à distance des murs sans avoir à les collecter dans des chenaux de zinc.

  5. Les toits en carène peuvent être fait par différentes techniques.
    La technique de Philibert Delorme a de nombreux avantages (et un inconvénient: fabrications de nombreux éléments assez complexes mais répétitifs et finalement facile a faire en grande partie avec de l’outillage électroportatif a partir de gabarit).
    Les avantages: pièces de petites tailles ( 120cm x 25-30x 4 au maxi)
    bois de basse qualité (sapin, pin, etc) de faible épaisseur
    les éléments sont donc légers, assemblables par une seule personne sans engin de levage (mais avec échafaudage) même pour des portées de 15m et plus.
    les pièces sont nombreuses mais faciles a réaliser a partir de gabarit même par quelqu’un de pas expérimente

    Il existe encore une charpente très spectaculaire par ses dimension au fort de Mont-Dauphin dans les Hautes Alpes (05) qui est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO et qui se visite (c’est ainsi que j’ai connaissance de cet ancêtre du lamellé-collé)

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