Eglises romanes autour d’Espalion. Le Cambon.

 

Comme promis, nous continuons de feuilleter les chapitres romans proches de la ville d’Espalion. L’église du Cambon affiche ostensiblement sa présence au milieu de nulle part ou presque. Là aussi, seules deux ou trois maisons sont occupées dont l’ancien presbytère du XVIe qui la joute.
Pourtant, il n’y a pas si longtemps ce hameau drainait dans son école les enfants des alentours. Maintenant isolées, toutes ces églises témoignent du dépeuplement des campagnes.

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Le soin apporté à la décoration de Saint Julien du Cambon rappelle l’importance de la paroisse dans le passé, époque où le pouvoir royal s’appuyait sur le clergé pour des missions d’intérêt général.
Datant du XIe-début XIIe l’église aurait été bâtie par les templiers d’Espalion. Une jolie dalle gravée d’une croix (templière ?) trouvée lors d’une rénovation a été incorporée dans le mur du cimetière. Une autre version évoque l’implantation de cette église par les moines d’Aubrac, histoire de passer l’hiver au chaud.

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L’édifice se distingue par le fait qu’il possède deux clochers puisque le chevet a conservé le sien en forme de peigne. Seul le plus récent abrite dorénavant les cloches. Sur la porte donnant accès à l’escalier, la chevillette point ne chut  et l’huis clos me priva d’une ascension vers le beffroi. Dommage.
Si vous ne voulez pas être Gros Jean comme devant, sachez que l’église  n’est ouverte qu’en fin d’après-midi en Juillet -Août.

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Le bâtiment a profondément été modifié au fil du temps principalement, comme bien souvent, par l’ajout d’un clocher capable d’accueillir des cloches plus imposantes. Malgré cela, le portail a gardé ses caractéristiques romanes avec ses voussures en plein cintre dont certaines reposent sur des colonnes adossées. De part et d’autre, la présence de deux colonnes engagées peut laisser présager l’ancienne présence d’un porche ou d’un narthex.

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Les chapiteaux présentent des entrelacs de qualité, héritage des décors typiques des carolingiens.

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L’intérieur de l’église a profondément été modifié vers 1530 par Antoine Savanh architecte de la cathédrale de Rodez..

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Clef de voûte ornée des armes du prieur Jean d’Estaing.

 

Les chapiteaux sont décorés de représentations humaines et animales qui portent un regard goguenard sur le visiteur.

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Une autre originalité de cette église vient du fait que l’ensemble des chapiteaux et murs sont peints en polychromie.
Chose assez rare parmi les chapelles de la région, le haut de l’abside est décoréée d’une fresque en partie cachée par le retable.

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Une des chapelles latérales contient également une série de fresques remarquables illustrant une partie des Mystères.

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L’église expose entres autres plusieurs sculptures polychromes ainsi que des retables peints du XVIIIe, mais tout cela nous éloigne du style roman.
Nous allons le retrouver sous une forme pas banale au petit hameau de Levinhac, proche d’Espalion.
Une belle allée rectiligne bordée d’arbres vient buter sur une demeure bourgeoise. Un porche, au milieu de la cour n’a manifestement rien à voir avec l’architecture générale des lieux.

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Ce portail est tout ce qui reste de l’ancien prieuré de Saint-jean Baptiste. Il fut détruit par le sénateur Mayran en 1853 lors de l’édification de sa demeure.
Curieusement et heureusement, le tympan a survécu.

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Les sculptures riches en entrelacs, d’une qualité exceptionnelle, n’ont rien à envier celles de Conques.

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Cette scène illustrerait non pas un pauvre pécheur dévoré par un monstre, mais au contraire, une hermétique démonstration d’émétique en quelque sorte: la régurgitation d’une âme.

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N’ayant pas ni rendu, ni vendu la nôtre, nous poursuivons notre quête et traversons le Lot pour rejoindre Saint Affrique du Causse.
Encore un petit hameau en voie de désertification dont l’église et son esplanade ont perdu leur éclat depuis des lustres. Coté cour :

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Le coté jardin, ou plutôt cimetière, révèle un caractère roman bien plus esthétique.

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Quelle est l’originalité de cette petite église ? Regardez bien, la toiture du chevet est en lauzes calcaires et non en ardoises. Je crois savoir que c’est la dernière église de la région à posséder ce genre de toiture.

Eglises Romanes

 

Si l’intérieur n’offre pas d’intérêt particulier, rien ne nous empêche d’aller rendre visite aux cloches pour contempler la campagne aveyronnaise où l’herbe verdoie et le soleil poudroie.

Eglises

 

Allez ! Une petite dernière. Si la commune de Bessuèjouls est connue pour son église à la chapelle aérienne, elle abrite un peu plus loin, au lieu dit Cohulet, une petite chapelle surmontée d’un clocher-mur. Elle est si discrète au fond du vallon que je n’ai pas trouvé de documentation la concernant, je ne peux garantir son appartenance à l’époque romane. Allez, on lui accorde le bénéfice du doute. Son propriétaire a eu la louable initiative de refaire la toiture.

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C’est avec elle que nous refermons le roman espalionnais à moins que d’autres baguenaudes me réservent d’agréables surprises. Etant relativement proches les uns des autres, la visite de ces ouvrages peut représenter des étapes reposantes au cours d’une randonnée vélocipédique.


 

Clochers rouergats

 

De clochers en clochers, continuons notre périple autour d’Espalion.
Cloches et clochers n’ont pas toujours été associés. En effet, les cloches employées pour convoquer les fidèles dès le VIIIe étaient trop petites pour justifier l’édification d’une tour importante.

Néanmoins, des tours de grande taille furent érigées au dessus de la porte des églises bien avant la fonte des grosses cloches. ( Celles-ci firent leur apparition à partir du XIIe. ) On peut penser que ces tours servaient de signe de ralliement et de repère. L’orgueil aidant, les villages se mirent à jouer à savoir qui aura la plus grosse.
( Érection architecturale en guise de démonstration de puissance.)

A cela , il faut ajouter que les invasions barbares à cette époque s’en donnaient à cœur joie. Du coup, les églises se sont protégées en érigeant des tours accolées à la nef qui permettaient de distinguer si l’herbe qui verdoie n’était pas foulée par des socques mal intentionnées. ( Nous visiterons peut être quelques églises fortifiées plus tard. )
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C’est ainsi qu’au fil du temps, le savoir-faire des fondeurs augmentant, ces tours ont tout naturellement accueilli des cloches de plus en plus imposantes.
Pour résumer, je dirais donc que chronologiquement, le clocher a précédé la cloche.

Bien, revenons à nos moutons qui sont, je le rappelle, les contrepoids situés au-dessus de la cloche.
Voici une vue du mouton surmontant une des cloches de l’église de Lassouts.
Clochers aveyron (8)
Article détaillé sur ces cloches

 

Cette église n’a conservé de sa période romane qu’un tympan et nous ne restons pas sourds à l’appel de sa beauté.
Clochers aveyron (7)Dans le haut du clocher, une belle pièce d’horlogerie nous attend, mais pas de précipitations, tout se mérite.

Petit encart culturohistoricobarbant:

Les cloches sonnaient pour appeler les fidèles à la prière.
• matines
• prime (lever du soleil)
• tierce
• sexte (6ième heure, c’est-à-dire midi)
• none
• vêpres (coucher du soleil),
• complies
• vigile
C’est tout naturellement que l’organisation sociale du temps s’est calquée sur cette découpe temporelle.
Probablement au cours du XIIe les premières horloges en partie mécaniques font leur apparition. Mues généralement par l’eau, (clepsydre) elles actionnaient une petite cloche et prévenaient ainsi frère Jacques qu’ il est temps d’aller sonner les mâtines .
Accrochez vous maintenant .
Au moyen âge, le temps est divisé en 12 pour la journée de lumière et en 12 pour la nuit. Donc, en fonction des saisons les 12ème n’avaient pas la même durée. (Heures Temporelles).
Cela ne posait pas de problème jusqu’à l’apparition des horloges entièrement mécaniques .
Parallèlement le XVe, voit la généralisation des cadrans solaires qui permettent de se caler sur le midi.

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A la longue, on devient raisonnable, pour éviter les difficiles réglages jour/nuit , le temps entre deux midis solaires fut divisé en 24 heures égales. Plus fastoche pour les horlogers.
Pas de bol, les horloges deviennent de plus en plus précises, or, la durée entre les deux midis varie de +/- 15 minutes suivant les saisons. (Faute à la terre qui , on le sait bien , ne tourne pas rond ).
Qu’à cela ne tienne, au XVIIIe on finit par adapter un Temps Solaire Moyen. Ouf ! Dirent les horlogers.
Oui mais le train fait son apparition. Et alors ? Et bien jusque là, les horloges étaient calées sur le midi du cadran solaire. Il existait donc un décalage d’environ une heure entre Brest et Strasbourg. Qui dit train, dit l’affichage d’horaires. Reprise de tête!
Les compagnies ferroviaires affichaient les horaires en fonction de l’heure locale du siège de la compagnie et qui était donc différente de l’heure locale des gares. Certaines horloges affichaient les deux heures.Vous suivez ? Bon, je continue.
Assez ri ! En 1891, l’heure de Paris devient la référence nationale pour mettre tout le monde d’accord.
C’est fini ? Non ! En 1911, la France s’aligne sur le méridien international de Greenwich.
Dernier épisode, 1917-1945 instauration de l’heure d’été/hiver reprise en 1976 histoire de compliquer ce qui avait été simplifié.
C’est bon? Je vous ai assez fait perdre de votre temps.

 

Tout ça pour dire que dans le clocher de l’église de Lassouts, j’ai la chance de découvrir dans une sorte de guérite une magnifique horloge dite d’édifice.
On doit cette belle pièce aux établissements Pager et Cie. Espérons qu’elle ne subira pas des affres du temps après l’avoir tant égrené.horloge Pages
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Le décor floral  typique des Ets. Pagès sur le balancier. (PF = Pagès Francis).
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Complètement abandonné dans un coin des combles se trouve ce restant de mécanisme d’horloge à cage, à moins qu’il ne s’agisse d’un piège à souris très sophistiqué !

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Autre lieu, autre découverte. Le clocher de Sébrazac possède lui aussi une belle horloge reléguée dans la soupente.
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Je n’ai  pas trouvé trace de l’horloger Belmon mais Tchorky, en bon fouineur compétant, a déniché Belmon Antoine, horloger à Laguiole.

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Au passage, jetons un œil sur une des quatre cloches de l’église. Celle-ci fit fondue par les établissements Triadou à Rodez.
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Bouclons ce parcours qui ne s’est pas déroulé à cloche-pied avec un retour à Coubisou où nous retrouvons notre belle horloge. Je pense qu’il s’agit d’un système à cage datant à peu près de la fin 18e.

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J’ai toujours un peu de mal à finir mes articles, aussi, comme y’a pas le feu au lac, vous avez droit à un court extrait:
Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
Et toc !
Sans aucune vergogne, j’ai tout pompé sur ces 3 sites où vous pourrez étancher votre soif de savoir:
Horloge d’édifice
Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Clocher
Tchorski
A bientôt pour d’autres découvertes.

 

Pierres sèches et encorbellements.

Essayons de ne pas trop penser à la rentrée et découvrir comment les Cévenols ont pratiqué le Lego.S’abriter sur les Causses n’est pas chose facile Pour se protéger des rigueurs du climat, depuis toujours, les habitants ont été confrontés au manque de bois pour construire leurs abris. Heureusement, la nature karstique du terrain est riche en surplombs. Ces baumes avec leur toit naturel qu’un mur en pierres sèches suffit à isoler forment des espaces habitables facilement aménageables pour peu  que l’on ne soit pas trop exigeant pour le confort.

 

Des constructions imposantes ont été ainsi érigées comme ce château à trois étages qui domine le Tarn.

 

L’accès demande quelques efforts, mais, la vue est imprenable !

 

Pour s’abriter sur le plateau, le problème est différent car, là, brunis par le soleil, ce ne sont que vastes étendues avares en possibilités de protections naturelles. Par contre, les pierres ne manquent pas. Les caussenards sont passés maitres dans l’édification d’abris en pierres sèches et ont compensé l’absence de charpente en utilisant les voutes construites en encorbellement. Encorbellement pour encore bêlements oserait mon ami berger ! Suivant les régions, ces abris se nomment capitelles ou jasses et voisinent avec les clapas. (Amoncellement des pierres retirées des champs). .

 

Nombre de ces capitelles petit à petit disparaissent, écroulées par la végétation. Une prise de conscience semble naître et des rénovations voient le jour.

 

Les édifices plus élaborés sont bâtis suivant le même principe. La chapelle de Balmes, perdue au milieu du plateau en est un bon exemple.

 

Le narthex avec sa croisée d’ogive supporte le clocher sans faiblir.

 

La présence de la croisée d’ogive semble évoquer une construction plus récente que celle de la nef qui a perdu sa toiture.

 

Nous empruntons un escalier en colimaçon.

 

Arrivés sous le toit, nous voyons nettement la voute en encorbellement. La petite niche servait sans doute à l’implantation de la seule pièce en bois : la poutre supportant la (les) cloche(s).

 

La toiture d’un bâtiment adjacent est de forme concave. L’eau sur les causses est encore plus rare que le bois, nous sommes en présence d’un toit-citerne chargé de drainer l’eau vers un réservoir, preuve de l’ingéniosité des Caussenards.

 

Les architectes cévenols se sont parfaitement adaptés à leur environnement pour nous laisser des constructions magnifiques qui ne sont pas sans offrir un certain mimétisme avec le paysage.