Ces masses gélatineuses, bien que leur aspect ne soit pas des plus attractifs, ont bien éveillé ma curiosité, mais j’avoue ne pas avoir identifié ces machins peu ragoutants tout de suite. Une précédente rubrique que je vous ai présentée sur le lait de loup m’a mis la puce à l’oreille.
Mais qu’est ce donc ? Un animal ? Non. Une plante ? Non plus. Un champignon ou moisissure ? Toujours non. Plutôt un genre d’amibe car cette masse n’est formée que d’une seule cellule ! Bien embarrassés les scientifiques l’ont casé parmi les champignons, puis dans un grand fourre-tout réservé aux machins unicellulaires : les Protistes. Actuellement il est rangé dans le règne des Amœboaires.
Pourquoi zoomer sur ce truc pas enthousiasmant qui voisine avec quelques bouses de vaches?
Cette gélatine blanchâtre aussi appétissante qu’un jelly, possède des propriétés extraordinaires que n’oserait imaginer un auteur de science fiction. Bien qu’unicellulaire et ne possédant donc pas de neurones, il se déplace pour trouver sa nourriture et peut atteindre une taille respectable ( 10 cm) . Si les conditions extérieures sont trop sèches ou qu’il n’a plus de nourriture, il se met « en veilleuse » en se desséchant et renaît dès que les conditions redeviennent favorables. De plus, sa résurrection se fera sous une forme juvénile. Il possède des facultés d’apprentissage et possède 720 types de sexe. Mytho mi-sexe le myxomycète? (Pardon, je n’ai pas pu résister).
Petit à petit, ces myxomycètes gagnent en notoriété sous le surnom de Blob (c’est plus facile à retenir) grâce entre autres aux études d’Audrey Dussutour sur son cousin le Physarum polycephalum dont les propriétés fascinent le monde scientifique.
Je vous incite à visionner une conférence très accessible et pleine d’humour qui décrit les capacités hallucinantes (et non pas hallucinogènes, je vous vois venir) du blob.
Le lien .
Plus de mille myxomycétes ont été identifiés, mais on soupçonne qu’il en existe dans les 10000 ! Heureusement les têtes savantes ne manquent pas de ressources pour les baptiser. Plus prosaïquement, nos voisins espagnols les surnomment caca de luna et de l’autre coté de la manche, ils sont qualifiés de vomi de chien !
Pas très valorisant tout ça, pourtant, de près, il n’est pas si vilain le mucilage crustacé.
Les éléments formés que d’une seule cellule mais possédant de nombreux noyaux s’agglutinent pour former le plasmode .
Cet été, période pendant laquelle le mercure montait aux arbres, j’ai eu la surprise de découvrir un restant d’aligot sur les débris d’une vieille traverse de chemin de fer déterrée la veille. Ce vomi aveyronnais est connu sous le nom de fuligo septica, autre variété de myxomycète.
Je pense que les conditions de sécheresse et de chaleur relativement extrêmes ont accéléré le cycle. Je ne connais pas les facultés de résistance des spores, mais je caresse l’espoir de voir désormais l’apparition de blob dans mon jardin.
Ah, j’oubliais, ces myxomycètes ne sont absolument pas nocifs, ni pour les plantes, ni pour les animaux donc leurs aspects bizarres ne doit pas vous inciter à les détruire mais à les observer !
Si comme moi, l’existence et les facultés de ce blob vous fascinent, je vous conseille la lecture de ce livre passionnant et très pédagogique où on se rend compte également que la vie de chercheur(se) est loin d’être une sinécure.
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander.
Epsomite
Wikipédia : Décrite par Jean-Claude Delamétherie en 1806, le nom fait référence au gisement topotype. François Sulpice Beudant vulgarise ce mot.
Mais, peut-être connaissez-vous ce minéral sous la forme de sel d’Epsom.
Ce sulfate de magnésium posséderait de nombreuses propriétés curatives et autres (anti-inflammatoire, relaxant, insecticide, nettoyant, rhumatismes etc.)
Une rapide recherche sur internet vous donnera une idée des nombreuses applications où il est censé être efficace. Nul doute qu’il devait figurer dans la composition de l’élixir du Docteur Doxey !
Une de ses utilisations la plus courante, si j’ose dire, concerne ses vertus laxatives. On comprend mieux l’origine du dicton entendu souvent aux abords des célèbres champs de courses : L’eau d’Epsom fait courir les hommes plus vite que les chevaux !
« Vous cherchez l’efficacité? Ils vous feront tous courir rapidement ! » Un palliatif à l’EPO ?
Si je vous parle de l’epsomite, c’est que l’on peut l’observer de manière spectaculaire dans les milieux souterrains. La cristallisation en longues fibres d’un blanc éclatant de ces girandoles minérales offrent aux parois un décor féerique incroyable.
Voici quelques exemples de formations croisées ça et là. Chaque fois, l’effet de surprise et d’émerveillement est total à la vue de ces longs filaments aux reflets métalliques qui contrastent avec les parois fuligineuses. Je vous laisse juge.
Puisqu’il s’agit de photos, il est difficile d’éviter le cliché qui évoque des longues chevelures argentées tant la comparaison est justifiée.
Décidément, le monde souterrain recèle bien des surprises qui récompensent des quelques efforts nécessaires à sa découverte.
J’espère que sur cet article, les effets de l’epsomite seront restés inefficaces.
La Pyrale du buis
Ses antennes effilées et le port de ses ailes parallèles au sol nous indique que l’on a affaire à un papillon dit « de nuit », mais ce n’est pas pour cette raison que l’on va s’intéresser à lui.
Aucun buis n’est épargné ! Le spectacle est désolant avec son allure digne d’une publicité Monsanto ou Bayer
Venant d’ailleurs, les pyrales n’ont pas de prédateurs chez nous. Nos oiseaux peu habitués à croiser ces bestioles s’en méfient à part peut être les mésanges. Extrêmement rares sont les ailes entamées par des coups de bec.
Les imagos se goinfrent sur toutes les fleurs maintenant que les buis sont dévorés et j’ai l’impression que leur nombre fait fuir les hôtes habituels de mes buddleias et autres.
Là, ça ne rigole plus du tout !
Lathrée clandestine
C’est le moment de rencontrer sur les berges des ruisseaux de spectaculaires explosions de bouquets violacés. Suivant les régions, ces manifestations florales ne sont pas rares, mais il faut parfois chausser les bottes afin de les observer car ces belles affectionnent les recoins humides où elles s’épanouissent aux pieds des arbres qui surplombent les ruisseaux.
En effet, nulle manifestation de verdure chlorophyllienne susceptible d’assurer la photosynthèse. Comment la Lathrée clandestine, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, obtient-elle l’énergie nécessaire à sa survie ?
Son mode d’existence rend toute tentative de transplantation vouée à l’échec aussi ne privons pas le promeneur suivant de l’attrait de la lathrée.
Si on écarte délicatement les feuilles qui jonchent le sol, on découvre de petits bouquets blanchâtres très fragiles.
Ces « bouquets » sont formés d’écailles entre lesquelles le calice de la fleur se développe.
Il est donc bien naturel que l’on ait choisi cette jolie orobanche pour symboliser les amours cachées !
Lait de loup
Absent Maître Ysengrin ? Pas sûr ! Parmi les branches mortes qui jonchent les sols humides, on peut remarquer des rameaux colonisés par des petites boules étranges à la couleur vive.
Quoi qu’il en soit, l’esthétique de ces « gouttelettes » ne peut qu’ éveiller la curiosité et nous allons voir que son étrangeté ne se limite pas à son aspect.
Premièrement, ce n’est pas un champignon puisqu’il ne possède pas de mycélium et la chose a été confirmée par l’étude de son ADN.
Est-ce un végétal ? Pas de chlorophylle ni racine donc, on va dire non.
Cet organisme est capable de se déplacer et même de contourner des obstacles pour se nourrir. (Débris végétaux, champignons, bactéries ). Animal donc ? Non plus, car la chose est unicellulaire.
Mi-animal, mi-végétal, ces petites gouttes de lait de loup sont finalement classées dans le règne des protozoaires dans la classe des Myxomycètes.
Dixit l’encyclopédie participative : Leur nom est formé de « myxo » qui signifie gélatineux, gluant, et de « mycète » dont la racine myc- signifie champignon, car les Myxomycètes sont traditionnellement étudiés par les mycologues, bien qu’il s’agisse en fait d’« amibes collectives »
Gros plan sur le Lycogala epidendrum.
En vieillissant, il noircit et sa chair devient pulvérulente.
Est-il utile de préciser que ces myxomycètes, bien que non toxiques, ne sont pas comestibles ?
Licorne
Surprise!
Nous sommes bien loin de la forêt de Brocéliande, pourtant les frondaisons humides se sont écartées doucement ce matin pour livrer passage à cette belle licorne.
Je vous vois venir, pourfendeurs d’incertitudes et approximations, vous allez argumenter que le front de cette belle apparition n’est pas dotée de corne, mais de bois!
Laissez moi rêver. Son front n’est paré que d’un seul appendice, donc c’est bien une licorne !
Le chevreuil perd ses bois à l’automne. Ceux-ci repoussent rapidement et sont débarrassés de leurs velours en Avril- Mai (fraye).
(Remarquons au passage que les animaux porteurs de bois sont qualifiés de cervicornes histoire de mettre un peu de confusion.)
Pourquoi notre licorne ne possède qu’un « bois » ? Anomalie génétique, bagarre? Ce bois dépourvu d’andouiller semblerait indiquer un individu relativement âgé (7/8 ans).
Si je la croise, je demanderai à la fée Morgane.
L’arrivée du printemps
Revenons au Château de la Rivière où les eaux se sont retirées des bocages. La migration estivale a garni les murailles de locataires bruyants où la moindre éminence est occupée par de nouveaux guetteurs. Le spectacle son et lumière offert gracieusement par ces cigognes blanches est assez impressionnant.
Wikipédia
L’attitude du spécimen au second plan peut être interprété comme un salut ou comme une menace.
Pour faire savant, on peut placer dans la conversation que contrairement à beaucoup de volatiles, Monsieur Cigogne possède un pénis vestigial..
J’ai eu la chance d’observer ce joli mâle profitant des premières chaleurs pour sortir de sa léthargie.
Cigognes
Nous sommes en Normandie. Si, si, vous ne rêvez pas, le ciel est bleu et ce n’est pas un trucage. (Normands, pardonnez-moi, mais je viens de subir 10 jours de pluie avec des gouttes d’eau d’un litre, faut bien que je me défoule).
Au milieu du bocage envahi par l’eau se découpent les murailles romantiques du Château de la Rivière. Sa ruine a été bien accélérée par l’armée allemande lors de son repli en 1944, mais c’est une autre histoire et nous allons parler d’autres occupants.
Nous sommes vraiment en Normandie bien que les points culminants des murailles soient occupés par des nids imposants dignes des paysages alsaciens. En effet, les lieux sont progressivement investis par les cigognes blanches depuis les années 1970.
La magie Baguenaudes sort donc des cigognes de la Manche.
Comme son nom l’indique, les plumes la cigogne blanche sont…blanches hormis ses rémiges dont le noir profond renforce la majesté de son vol spectaculaire.
Comble de l’élégance, certains individus portent des bagues. Grâce à la traçabilité et au travail impressionnant des ornithologues, nous savons que ce mâle est né sur le site de la Colombière situé à 11 kilomètres en 2009 et que depuis 2011 il niche au Château de la Rivière. La longévité est en moyenne une quinzaine d’années.
La cure thermale doit lui plaire, son plumage indiquant qu’il sort du bain.
Fin janvier, cette cigogne a été observée sur le site alors que les migrations s’effectuent généralement fin février. Faut-il y voir un effet du réchauffement du climat ?
Ce curieux bâtiment n’a pas manqué de titiller ma curiosité et ne manquera pas de provoquer de futures investigations baguenaudesques.
Lépidoptères
Voici pour le plaisir des yeux, quelques photos de Lépidoptères sur un arbre à papillon qui porte bien son nom !
Ces observations ont été faites à Espalion pendant la dernière quinzaine de juillet 2015.
Et ça marche apparemment, le flambé survit à plusieurs attaques et le fait de ne plus avoir les ocelles plus grosses que le ventre n’entame pas son appétit.
On le voit ici en train de se sustenter en compagnie d’un Macaon.
La beauté de ce porte-queue se passe de tout commentaire.
Adepte du vol stationnaire il se nourrit en plein vol ce qui ne facilite pas la tâche du photographe.
La forme de ses antennes le « classe » dans la catégorie des papillons nocturnes bien que son activité soit essentiellement diurne.
La fréquence de ses battements d’ailes demande un besoin énorme d’ énergie qui l’oblige à passer son temps à se nourrir dépensant ainsi les calories ingérées. Plutôt vicieux comme cycle non ? Et on dit que la nature fait bien les choses !
A la différence du Moro sphinx, pour butiner, il pose ses deux pattes postérieures sur la fleur sans jamais s’y accrocher.
Comme son nom l’indique, son corps noir et jaune imite celui du bourdon.
Tel le gazé, ses ailes sont en grande partie transparentes mais, ses pattes sont plus développées et contrairement à ses cousins bien élevés, il lui arrive de poser les pieds sur la table !
Argiope
Les araignées nous effraient souvent, pourtant elles sont bien inoffensives pour les grosses bestioles que nous sommes. Seule une vingtaine d’espèces sur 40 000 sont dangereuses pour l’homme et ne résident pas dans nos contrées. Tout au plus, nous risquons un petit bouton qui gratouille un peu suite à une improbable morsure puisque, l’araignée dépourvue de dard, ne pique pas.
Examinons de plus près ce spécimen installé depuis peu dans mon jardin. Sa taille est respectable et elle arbore une magnifique livrée jaune et noire qui la rend spectaculaire. Ce serait un moyen de défense pour tromper l’ennemi en se faisant passer pour un frelon à moins que ce soit pour la rendre moins visible pour ses futures proies. Bref, on en sait rien.
Voici donc, sous les projecteurs, madame l’ Argiope Frelon ou Argiope Bruennichi.
L’envers du décor moins ostentatoire n’affiche pas un mimétisme avec le frelon. Cette belle araignée dispose fréquemment ses pattes en forme de croix de Saint André. Elles sont enduites d’une sorte de cire ce qui lui permet de se promener sur sa toile gluante sans s’emmêler les pinceaux.
On peut voir l’insertion des huit pattes sur le céphalothorax. Chaque patte est formée de 7 segments. Petit rappel, les insectes ont 6 pattes donc l’araignée n’en est pas un. Elle fait partie de la classe des arachnides dont elle partage les bancs avec le scorpion.
L’argiope, malgré ses huit yeux est complètement miro ce qui facilite la prise de photos.
En plus, elle est sourde comme un pot et n’a pas d’odorat. Il lui reste le goût et le toucher qui sont pris en charge à l’aide de ses deux pédipalpes sur le devant de la tête. On les voit ici en train de coincer la bulle!
Elle tisse une des plus grandes toiles orbiculaire de nos régions pour capturer ses proies. Le tissage de cette dentelle a la particularité de posséder un motif vertical bien particulier construit en zig zag: le stabilimentum dont on ignore la fonction réelle.
Mal lui en prend car cette idée le mènera à une mort certaine. En effet la belle a la fâcheuse habitude d’ingurgiter monsieur quand ses oeufs sont fécondés. Cette fois ci, je ne pense pas que l’accouplement a eu lieu car la scène n’a duré qu’une petite minute d’agitations fébriles où le mâle a fait plusieurs fois le tour de la femelle.
Mais le résultat est qu’à force d’insister, c’est le dragueur qui s’est retrouvé emballé. Ca va de soie !’
L’argiope digère ses proies à l’extérieur de son corps. Une fois la nourriture mise sous cello-frais, elle y injecte des enzymes (gloutons) pour ramollir le beefsteak. Ensuite, elle pompe le boulgi boulga, emballage compris ! Admirez le sourire carnassier de la belle!
Ici c’est une petite sauterelle qui a fait office de festin. Il ne reste plus que l’enveloppe. Au passage, on peut distinguer sous les mandibules un crochet à venin (chélicère).
Bon appétit! Il parait que les insectes, riches en protéines, seront la nourriture de demain.
Ici, on apprend pourquoi le fil d’araignée intéresse tant scientifiques et industriels.
La toile est, en plus, chargée d’électricité. C’est fort pratique car on a découvert que l’araignée se régalait aussi avec le pollen.
Six mois plus tard, l’hiver passé, j’ai le plaisir d’observer dans le même buisson une minuscule argiope de 3 mm.
Bien, on va s’arrêter là pour ne pas abuser de votre attention.
A bientôt …sur la toile !