La creute des artistes 2eme partie

Nous allons terminer la visite de cette carrière par des sculptures dont  les noms des auteurs sont parvenus jusqu’à nous. Il est étonnant de constater le nombre de réalisations de haute tenue que l’on peut admirer dans cette carrière, métamorphosant ainsi les couloirs en galeries … d’arts.
Concours de circonstances qui regroupa plusieurs artistes au même endroit au cours de l’année 1916 ? Peut-être…
Enterré, ce refuge abritait un important poste de commandement relativement tranquille où les officiers, issus de classes sociales supérieures, retrouvaient un semblant d’environnement rappelant celui de leurs vies bourgeoises.
L’entrée de cette carrière se parcourt sous le regard énigmatique de cette monumentale tête de sphinx quelque peu inattendue en cet environnement picard.


La photo (Album Valois) de la sculpture en cours d’élaboration par Leclabart donne une idée des proportions monumentales.

 

Louis Leclabart, sculpteur et dessinateur, était affecté au 12e Régiment d’Infanterie Territoriale en raison de son âge (plus de 34 ans au moment du conflit). Les territoriaux, surnommés « pépères », bien que considérés comme trop âgés pour participer aux combats, furent malgré tout sollicités en 1914. Nommé caporal et brancardier en 1916, Leclabart fut cantonné dans cette creute relativement calme où il put exprimer son talent.(Album Valois)


Il mit à profit un volume laissé par les carriers pour décorer le fronton des logements des officiers. Ce haut-relief possède une haute valeur symbolique, le mythe de Jeanne d’Arc ayant pris une grande ampleur nationale suite à la guerre de 1870.


La représentation altière était surmontée d’une devise aujourd’hui disparue: Nous les bouterons hors de France. Au pied de l’icône nationale, on peut distinguer les restes d’une croix de Lorraine.

 

Plus léger, il décora un angle de la carrière avec cette fantaisie imitant une fontaine surmontée d’un joli mascaron reposant sur deux volutes, le tout dans un style Art nouveau.


La reconnaissance de son talent auprès des troupes se concrétise par l’illustration de la une du journal Hurle Obus


Démobilisé, il reprit son activité notamment en réalisant plusieurs monuments aux morts.
On peut se faire une idée de son talent artistique hand-cursor

 

Le brigadier Jacques Cadars était un ancien élève des Beaux Arts. Affecté au 4e Régiment de cuirassiers, on lui doit ce grand bas-relief représentant un dragon aux flancs grisés par l’humidité. Cuirasses et chevaux ont été abandonnés en 1917, la sculpture serait-elle antérieure à cette date ?



Né en 1895, son âge ne le mit pas à l’abri du front où sa vocation d’artiste fut brutalement stoppée le 27 Octobre 1918 à Thermes dans l’Argonne.

 

Il faut pénétrer dans les galeries pour découvrir cette femme aguichant le spectateur à l’aide d’un sein dévoilé. L’auteur, un certain Bucher a légendé ce sourire fripon d’un : Souvenir de la Légion 5 Cie.


Légionnaires soupçonnés également d’utiliser la piquette comme butin!

 

Voici pour moi la réalisation la plus remarquable par sa taille et l’habilité de son exécution. On la doit au sergent L. Bonnyaud, du 240e RIT. « Pépère » lui aussi, il reprendra son métier de marbrier à la fin du conflit.
La profondeur de la vue est simulée par la mise en perspective d’une série de créneaux. La vigie, campée sur un caillebotis guette au septentrion les vandales derrière le parapet.


Les détails sont d’une précision quasiment photographique allant de l’épaulette en rouleaux pour retenir la bretelle du fusil, jusqu’au système de réglage de cette dernière. Cartouchière, besace, bandes molletières et même la pipe, tous les éléments de l’équipement du fantassin sont présents. Le réalisme est si poussé que l’on peut observer un rat lorgnant sur la gamelle située au sommet du havresac !


Le titre de l’œuvre se réfère au surnom la crête surplombant le front.

 

Victime de la qualité de ses réalisations, un rond de bosse a été dérobé et sûrement à jamais perdu.

 

Nous terminerons sur une note légère avec ce bas relief signé Charnais.



Zut ! Voilà qu’il pleut.

 

Surnommé « Les parisiennes », ce panneau serait une copie d’un dessin paru dans la revue La Vie parisienne. Comme je l’ai déjà mentionné dans l’article précédent, ce genre de revues de modes, où la gent féminine était souvent dessinée en tenues plus que légères, étaient fort prisées des soldats. Il suffit de parcourir les petites annonces pour s’en assurer. J’ai parcouru plusieurs numéros sans retrouver l’original, aussi je lance un grand concours où il n’y a rien à gagner: Qui retrouvera les modèle? Gallica nous offre la possibilité de feuilleter ces magazines où les illustrations d’un style Art Nouveau se parcourent avec délectation.

La vie Parisienne hand-cursor


A contempler toutes ces toilettes, les poilus riaient dans les champs !

 

L’érosion grignote lentement les sculptures extérieures, des sortes de lichens ou algues noirâtres et gluantes recouvrent par endroit les parois.
Pour le moment, la creute semble bénéficier d’une discrétion favorable à la conservation de ces témoignages émouvants. Souhaitons que son classement comme monument historique fasse que cet état soit pérennisé.

 

4 réflexions sur « La creute des artistes 2eme partie »

  1. C’est un lieu incroyable que j’aurais très envie de visiter!
    Merci pour cet article riche en photos et intéressant à lire, comme d’habitude!

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