Champagne

 

Le printemps est là et l’envie de coincer la bulle plus forte que jamais. Nous allons voir que ce n’est pas toujours simple. Si le champagne est synonyme de jouissance, les préliminaires ne sont pas une partie de plaisir !

 

Généralités:
La spécificité du vin de Champagne est due au fait que les vignes poussent sur des bancs de craie. Cette roche alluvionnaire est fragmentée ce qui favorise l’absorption de l’eau l’hiver. Sa porosité fait que l’eau de la nappe phréatique remonte par capillarité pendant les périodes sèches. En outre (à vin), elle est d’une cohérence faible, caractéristique qui facilite grandement le creusement de caves.
Si sept cépages sont utilisés pour l’AOC Champagne, le Pinot noir, le Chardonnay et le Pinot Meunier représentent à eux trois 99 % de l’encépagement répartis en parts à peu près égales.
Élaboré dès le Moyen-Age, le vin de Champagne est d’abord consommé non pétillant, sa mise en bouteille étant effectuée après la prise d’alcool.
A partir du XVIIe, il est exporté en tonneaux. L’Angleterre vient de mettre au point des bouteilles résistantes à la pression. A l’intérieur de celles-ci, la fermentation naturelle continue et provoque une effervescence très prisée des Anglais. Ils ajoutent du sucre de canne issu de leurs colonies ce qui amplifie la prise de mousse. Et oui, on peut dire que c’est grâce aux Anglais que la mode champenoise est née.
Au XVIIIe, le vin pétillant acquiert une renommée mondiale malgré les difficultés inhérentes à la maîtrise de l’effervescence. (De nombreuses bouteilles explosaient.) En 1821, la légende de Dom Pérignon fut créée afin de ramener sur les terres champenoise l’origine du champagne. Il semblerait que ce dernier était davantage à l’origine des assemblages des crus plutôt qu’inventeur de l’effervescence du vin champenois. Grace à ses travaux, le vin de Chaampagne acquière une qualité qui assoit sa réputation.

 

1861, patatras ! Venu des Etats-Unis, un puceron s’attaque goulûment aux racines de nos cépages. Le phylloxéra détruit rapidement les vignes malgré les tentatives de traitement. L’injection le sulfure de carbone au pied des ceps à l’aide de pal d’injection s’avère totalement inefficace.

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Le mildiou fait également partie du paquet cadeau. Il est combattu avec plus de succès grâce à la pulvérisation de sulfate de cuivre à l’aide de… sulfateuses.

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Le sauvetage viendra de l’usage des greffes. En effet, les racines des vignes américaines cicatrisent rapidement et la plante survit à l’agression du phylloxera. Les vignes champenoises seraient donc américaines ? Pas de panique ! Si le porte-greffe est bien d’origine outre-Atlantique, le greffon qui produira les grappes est bien de cheu nous ! Les bourgeons produits par le porte greffe sont systématiquement éliminés !

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A l’aide de l’impressionnante collection rassemblée au fil des ans par Monsieur Caillet à Faverolles et Coëmy, nous allons passer en revue les étapes de l’élaboration du précieux breuvage au cours du début du XIXe siècle.

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Le ramassage est toujours entièrement et obligatoirement manuel, seules les grappes arrivées à maturité sont récoltées. La forme des hottes varie en fonction des époques. Chaque porteur transporte entre 3 et 4 tonnes de raisin par jour.

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Les grappes sont ensuite pressées rapidement afin d’éviter que les peaux macèrent dans le jus ce qui colorerait ce dernier. Cette opération s’effectue en deux fois : 1ere pression = cuvée, 2eme pression après brassage du marc = taille.
Les jus récoltés sont stockés séparément. Leurs propriétés différentes interviendront dans l’assemblage.
Actuellement, 4000 kgs de raisins doivent produire 2552 litres de jus et pas un de plus, on ne rigole pas avec ça, AOC oblige.

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Le moût est ensuite mis en cuve (belon) où se produira la première fermentation qui transformera le sucre en alcool.
Afin de clarifier le jus, on procède au collage qui consiste à introduire des protéines qui en se coagulant vont emprisonner les particules en suspension. La lie se dépose au fond de la cuve par gravitation.

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Après environ un mois, le jus clair est tiré à l’aide d’une pompe pour séparer celui-ci du dépôt situé en fond de cuve. Le vin obtenu non effervescent est qualifié de tranquille.

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L’assemblage.
Voici venir le moment où l’artiste prend le pas sur le chimiste. Nous abordons ici une autre spécificité du vin de Champagne où l’homme fait preuve de créativité et de savoir: l’étape magique de l’assemblage. Effectué par le maître de cave, l’assemblage est la recherche d’une harmonie en mariant les cépages, cuvées et années de récolte. Cela consiste à marier différent vins tranquilles afin d’obtenir un caractère homogène au fil des ans qui caractérisera la marque de l’exploitation. Certaines années exceptionnelles, l’assemblage est effectué uniquement avec la récolte de l’année. Dans ce cas, le champagne est millésimé.(Et cher!)

assemblage_champagnePhoto empruntée sur ce site.

 

Le tirage
Au printemps, le vin est mis en bouteilles. A l’aide d’une doseuse, sont ajoutés 24 grammes de sucres par litre ainsi que des levures. Ces dernières dégraderont le sucre en alcool et dégageront du gaz carbonique responsable des fameuses bulles.
C’est la deuxième fermentation.

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Les bouteilles sont fermées à l’aide d’un bouchon maintenu par une agrafe ou plus tard d’une capsule.
Au cours de cette étape, la pression à l’intérieur des bouteilles monte à six kg au cm 2.

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La prise de mousse
Pendant 15 mois minimum, les bouteilles sont entreposées à une température de 10-12 degrés. Afin que le vin soit au contact du dépôt, les bouteilles sont couchées sur lattes.
Il faut ensuite enlever le dépôt formé par les levures mortes.
Le remuage
Les bouteilles sont disposées inclinées sur des pupitres le goulot dirigé vers le bas. Pendant quatre à cinq semaines, les bouteilles sont journellement pivotées d’un huitième de tour et régulièrement relevées afin d’amener le dépôt contre la capsule. Cette opération est très progressive afin que les particules fines en suspensions puissent s’agglomérer avec le dépôt plus lourd. Le coup de poignet nécessaire demande du savoir faire, la rotation devant s’accompagner d’une légère secousse pour décoller la lie de la paroi de la bouteille. Un bon remueur pouvait manutentionner plus de 70 000 bouteilles par jour. Ils devaient être redoutables au baby foot !

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Le dégorgement
Cette opération consiste à retirer le dépôt qui s’est déposé dans le goulot de la bouteille. L’opération n’est pas simple. La pression à l’intérieur de la bouteille est, je vous le rappelle, de six bar. Il faut déboucher la bouteille, le goulot incliné vers le bas, et la relever rapidement dès que la pression éjecte le dépôt en laissant échapper le moins de vin possible. Le bouchon et le liquide évacués sont réceptionnés dans un récipient appelé guérite souvent bricolé à partir d’un tonnelet.

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L’opération est spectaculaire !


Origine de la vidéo.

 

La perte de volume est compensée par l’ajout d’une liqueur souvent à base de sucre de canne. Suivant le dosage, on obtient un vin considéré de doux (50gr/l) à extra brut (>7gr/l.)

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Il ne reste plus que le bouchage.
Là aussi, ce n’est pas simple. Toutes les étapes nécessaires à l’élaboration du précieux liquide s’effectuent dans des bouteilles de 0,75 litres ou magnum (1.5 l.). Les contenances différentes ne manquent pas, allant du 8eme de litre (maintenant inusité) jusqu’au Melchisedech (30l.), voire plus. Seules les bouteilles de 0.75cl. et magnums vieillissent en cave. Les autres formats sont transvasés à la demande avant la vente.

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Pour résister à la pression, les bouchons étaient ficelés. Nous voyons ici un cheval de bois dont le levier décuplait la force à exercer sur les nœuds.

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Avant la mise en bouteille, le bouchon est cylindrique. La partie destinée à rester à l’extérieure du goulot est composée d’un liège moins compact. La partie insérée dans le goulot est écrasée par la machine à embouteiller ce qui lui donne cette forme particulière de champignon.
Afin de résister à la pression, petit à petit, le fil de fer remplace la ficelle et nous arrivons au muselet torsadé avec sa capsule recherchée par les placomusophiles.

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Appareil à museler un Nabuchodonosor.

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Je ne sais pas pour vous, mais moi cet article commence à me donner soif !
Le champagne se déguste à une température de 8-10 degrés.
Pour la faire prout-prout, sachez que le champagne se verse en tenant la bouteille avec le pouce dans le cul et les autres doigts en dessous.

A ce propos, à l’origine, le cul des bouteilles est creux pour faciliter le travail des souffleurs de verre qui avaient du mal à réaliser des fonds parfaitement plats. Cette concavité, appelée piqûre, possède également l’avantage d’abaisser le centre de gravité de la bouteille et d’assurer ainsi une meilleure stabilité.
Reste la dernière interrogation existentielle, à savoir coupe ou flûte ? La coupe a eu son heure de gloire quand la forme de ce verre a été, nous dit-on, moulée sur le sein de Marie Antoinette. (Si c’est le cas, la reine devait avoir de bien menu). La coupe présente surtout le grand inconvénient d’offrir une grande surface de contact entre l’air et le vin ce qui provoque une rapide déperdition des bulles. Après toute la peine que le vigneron s’est donnée pour les obtenir, c’est un comble. Donc disons flûte au téton de l’étêtée et préférons le verre tulipe qui concentre le bouquet tout en dévoilant la progression des bulles!

Ah oui, ces fameuses petites bulles ! On les doit à la nucléation hétérogène. (C’est le genre de phrase qui vous pose un article !)
Le torchon qu’on utilise pour essuyer le verre dépose de minuscules fibres de cellulose. Citons cet article qui explique le phénomène :
D’où viennent les bulles du champagne ?
Ces fibres sont initialement creuses, et emprisonnent donc une petite poche d’air. Lorsque le champagne entoure la fibre, le gaz carbonique est attiré par la poche d’air et y pénètre en la faisant grossir.
Pour preuve, regardez, dans la bouteille, pas de petites bulles qui montent à la surface.

Il ne nous reste plus qu’à passer aux travaux pratiques en trinquant avec ou sans modération !

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Pour retrouver tous ces beaux objets:
La ferme de Flancourt.

Vidéoothèque virtuelle:
Explications sur les petites bulles:


C’est pas sorcier:


16 réflexions sur « Champagne »

  1. et dans quel département la champagne va-t-elle chercher une grande partie des plants greffés (10 millions de plants si on en croit Wikipedia) ? la Savoie !!! merci pour toutes ces photos et précisions qui mettent l’eau (pétillante) à la bouche… !

  2. Passionnant et une bonne mise en valeur des objets du musée de Monsieur Caillet à Faverolles et Coëmy.
    Cela serait dommage que ces ustensiles polis par le travail disparaissent ou ne soient plus accessibles aux visites…

  3. Merci pour vos commentaires. Il est vrai que l’exposition de ces objets qui témoignent du travail au début du siècle passé méritent de perdurer.

  4. Merci pour ce très beau sujet, précis et superbement illustré ! Aux lecteurs, n’hésitez pas une seconde à vous rendre à Faverolles chez Jean-Pierre et Aimée Caillet. Qui du musée ou des chambres d’hôtes vaut le détour ? Les deux, l’accueil et le séjour y sont délicieux ! Goulven

  5. Merci pour ce très beau reportage illustré par la très belle collection de Jean-Pierre qui a su mettre en valeur et surtout sauver les outils d’autrefois; si vous passez par Faverolles ou à proximité n’hésitez pas à vous rendre au musée vous y découvrirez deux personnes d’une gentillesse que l’on rencontre rarement et si vous décidez de passez un moment dans leurs chambres d’hôtes vous n’en repartirez qu’avec une seule idée y revenir pour passez des moments inoubliables en leur compagnie. Gilles

  6. très beau musée en effet ; encore mieux en vrai !
    allez le visiter il vaut vraiment le coup d’être vu
    et l’accueil est très chaleureux
    Aimée et Jean Pierre sont très gentils et intéressants !
    Musée à voir absolument et pourquoi pas profiter des chambres d’hôtes par la même occasion

  7. Super votre reportage, moi qui suis fille d’agriculteur et de viticulteur,je suis vraiment heureuse de voir que ces objets continuent à vivre et à illuminer les yeux de nos enfants et petits-enfants lorsqu’ils les regardent .
    Merci à vous Jean-Pierre et Aimé pour tout ce travail que vous avez effectué pour les générations futures.
    je conseille à tous les parents d’emmener leurs enfants à Faverolles.
    Longue vie au musée

  8. Merci pour ce beau reportage et les photos du musée qui l’accompagnent. N’hésitez pas à vous rendre à Faverolles, j’y suis déjà allée deux fois avec des amis. Monsieur Caillet sait vous faire partager sa passion, et vous captiver. N’oublions pas que le métier d’agriculteur y est aussi très bien représenté. C’est bien agréable et enrichissant de découvrir le travail de nos grands-parents ou arrière-grands-parents.

    Isabelle

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