Berlines
Dans cet article, on va évoquer l’invention du chemin de fer et s’attarder sur les berlines qui convoyaient le minerai jusqu’au jour.
Ce n’est pas tout d’extraire le minerai, encore faut-il l’amener au jour.
La littérature consacrée aux conditions de travail des mineurs, sublimée par Germinal, met souvent l’accent avec un certain pathos sur la pénibilité et la dangerosité des taches effectuées au point que ces conditions peuvent nous paraître exagérées, pourtant, ces descriptions sont souvent bien réelles.
Avant la mécanisation, tout se faisait à la force des bras, voir des pieds qui servaient à repousser le minerai hors des zones d’abattage quand la dimension de celles-ci exigeaient de travailler à plat ventre. (Abattage à col tordu).
Quand l’espace le permettait, les brouettes étaient employées, mais c’est l’usage du panier qui prédominait. Parfois, ces paniers étaient posés sur des sortes de traîneaux munis de patins (Esclitte) qui « glissaient » sur des rondins.
Début XVIIIe, la dimension des galeries augmentent et les roues font leurs apparitions. Elles équipent des chariots de bois (chien de mine). Des chemins de planches (limandes) facilitent le roulage.
Ce croquis illustre une berline roulant sur des planches et possédant un système de guidage entre les roues avant. Parfois un simple bâton vertical remplissait cette fonction (clou de conduite).
Grâce aux développements de la métallurgie, les wagonnets en bois sont petit à petit remplacés par des berlines en tôle. Les rails métalliques remplacent les voies de roulage en bois. Primitivement, les rails avaient un profil en gouttière mais l’encrassement rapide de ceux-ci aboutit au profil que l’on connait maintenant. On peut noter que le chemin de fer a précédé l’usage de la locomotive d’une trentaine d’années.
Le rebord anti-déraillement du rail est transféré sur la roue. Voici une berline de 1837 munie de roues à gorges.
Musée de Molay Littry
Finalement, après plusieurs tâtonnements, les profils du rail et des roues deviennent ceux que l’on connait maintenant.
Extrait pris sur ce site.
Concernant la locomotion, c’est toujours bien souvent le principe « Titanic » : les femmes et les enfants d’abord ». (Herchage.)
Avec les besoins de l’industrialisation il faut augmenter les cadences. La maîtrise de la vapeur ainsi que l’électricité apportent des possibilités considérables et le secteur minier donne naissance à de nombreuses évolutions technologiques. Par exemple, il est à l’origine de la traction à vapeur avec Richard Trevithick qui met au point la première locomotive en 1804 pour tirer les berlines à Coalbrookdale en 1802, mais c’est une autre histoire.
Fin XIXe,l’emploi des berlines en tôle se généralise, la section des galeries augmente et nous entrons dans l’ère moderne avec les tractions d’abord animales puis par câbles ou chaînes et locotracteurs. (vapeur, diesel, électrique).
La pelle « EIMCO », actionnée à l’aide d’air comprimé, bascule le contenu du godet vers l’arrière où est attelée une berline.
D’autres méthodes de transport du minerai font leurs apparitions.
Des couloirs oscillants ou à secousses dont les effets conjugués de la force d’inertie et de la gravité font avancer le minerai.
Tapis roulants:
Des couloirs dits blindés dans lesquels une chaîne sans fin, munie de raclettes, entraîne le minerai.
Et pour finir, camions-navette:
Attardons nous sur les berlines et les façons de les vider.Les nombreuses marques de fabricants donnent une idée de l’importance du marché.
Le but est de supplanter au maximum le travail humain par une automatisation pour des raisons de pénibilité, mais surtout pour améliorer la productivité.
La chronologie n’est pas linéaire suivant les mines, les méthodes anciennes et nouvelles peuvent cohabiter pour des raisons de rentabilité ou en fonction de la configuration de l’exploitation. Dans les années 1970, en France, hercheurs et mulets officiaient encore dans les petites exploitations.
Les culbuteurs:
La berline est bloquée dans un châssis situé au-dessus de la trémie. Le châssis effectue une rotation complète qui vide le minerai dans la trémie.
La benne peut être basculée sur son châssis d’un coté ou de l’autre. Ce type de berlines associé à des voies de roulement amovibles a été développée entre autres par les Ets Decauville et Pétolat. Ils ont rencontré un vif succès également dans le monde agricole et militaire. Par contre, en terrain minier, elles présentent le désavantage de nécessiter le percement de galeries relativement larges. Notez l’espace entre les deux voies de roulage.
Elle permet des galeries de roulage plus étroites ce qui représente une économie quand ces voies de communication sont tracées dans des terrains stériles.(Travers banc)
Pour les mêmes raisons, on peut trouver des voies de roulage à 3 rails.Merci Exxplore pour la photo.
Avec les progrès de la traction, les berlines ont une contenance de plus en plus importante rendant les interventions manuelles inadaptées. Nous allons nous attarder sur un type de berline dont les particularités ont éveillé ma curiosité.
Quelles peuvent être les fonctions de ce galet latéral ainsi que ces axes d’essieux proéminents dont cette imposante berline est affublée ?
La façade opposée est formée d’un vantail articulé pour libérer le contenu.
Plus loin, un curieux rail surélevé en forme d’accent circonflexe fait face à une descenderie de bennage. Le lien avec la berline semble évident, nous voici en présence d’un procédé de déchargement automatique que je vais essayer de détailler.
Il faut faire abstraction du tuyau enchaîné dont l’installation est manifestement postérieur au système que l’on va décrire.
Le personnage donne une idée de l’élévation du rail basculeur. (L’ami N. a le bas du fessier à environ 0.90 m. du sol).
1) Sur la benne basculante un galet pivotant (B) et sur les moyeux, un axe saillant servant à empêcher un éventuel retournement de la berline (D)
2) Parallèlement à la voie de roulage , une rampe élévatrice (A) précédée d’un bec amovible (C) ainsi qu’un guide anti-bascule (E).
Quand on veut que la benne bascule, le bec amovible est placé de façon à ce que le galet (B) monte sur celui-ci et emprunte le guide élévateur (A). Le galet, solidaire de la benne, en s’élevant provoque l’inclinaison de celle-ci jusqu’à l’ouverture du ventail latéral. Le galet est articulé pour rester sur le guide élévateur au cours de la montée de la benne.
En vrai cela donne ça:
Détail du bec amovible dans la boue d’époque ! On aperçoit également le début du guide anti bascule. Si on veut que la berline passe son chemin dans verser son contenu, il suffit d’escamoter le bec amovible afin que le galet (B) reste en position basse et passe ainsi sous le guide anti bascule. Comme quoi, un simple petit bout de ferraille astucieusement employé peut faire de grandes choses.
Fort logiquement, l’autre extrémité de la rampe de bascule est dépourvue de bec amovible.
Pour vous remercier de votre patiente, vous avez droit à un dessin animé:
Je vous ai même déniché sur un excellent blog une réclame.
Une autre variante des Ets Massard:
Ce système ingénieux peut être appliqué pour un déchargement frontal.
Ce type de vidage a été appliqué en plan incliné pour le crassier de Decazeville.
Ici, c’est la solution contraire qui est utilisée, la rampe élévatrice se trouve sur la benne basculante et le galet pivotant est parallèle à la voie de roulage
Bref, suivant les mines et les époques, les modèles ne manquent pascomme on peut s’en rendre compte ici.
Inde : enfants dans les mines de charbon par rikiai
Un grand merci à Patrick M. et à l’arcotophile cavernophile pour les explications.
Myxomycètes
Ces masses gélatineuses, bien que leur aspect ne soit pas des plus attractifs, ont bien éveillé ma curiosité, mais j’avoue ne pas avoir identifié ces machins peu ragoutants tout de suite. Une précédente rubrique que je vous ai présentée sur le lait de loup m’a mis la puce à l’oreille.
Mais qu’est ce donc ? Un animal ? Non. Une plante ? Non plus. Un champignon ou moisissure ? Toujours non. Plutôt un genre d’amibe car cette masse n’est formée que d’une seule cellule ! Bien embarrassés les scientifiques l’ont casé parmi les champignons, puis dans un grand fourre-tout réservé aux machins unicellulaires : les Protistes. Actuellement il est rangé dans le règne des Amœboaires.
Pourquoi zoomer sur ce truc pas enthousiasmant qui voisine avec quelques bouses de vaches?
Cette gélatine blanchâtre aussi appétissante qu’un jelly, possède des propriétés extraordinaires que n’oserait imaginer un auteur de science fiction. Bien qu’unicellulaire et ne possédant donc pas de neurones, il se déplace pour trouver sa nourriture et peut atteindre une taille respectable ( 10 cm) . Si les conditions extérieures sont trop sèches ou qu’il n’a plus de nourriture, il se met « en veilleuse » en se desséchant et renaît dès que les conditions redeviennent favorables. De plus, sa résurrection se fera sous une forme juvénile. Il possède des facultés d’apprentissage et possède 720 types de sexe. Mytho mi-sexe le myxomycète? (Pardon, je n’ai pas pu résister).
Petit à petit, ces myxomycètes gagnent en notoriété sous le surnom de Blob (c’est plus facile à retenir) grâce entre autres aux études d’Audrey Dussutour sur son cousin le Physarum polycephalum dont les propriétés fascinent le monde scientifique.
Je vous incite à visionner une conférence très accessible et pleine d’humour qui décrit les capacités hallucinantes (et non pas hallucinogènes, je vous vois venir) du blob.
Le lien .
Plus de mille myxomycétes ont été identifiés, mais on soupçonne qu’il en existe dans les 10000 ! Heureusement les têtes savantes ne manquent pas de ressources pour les baptiser. Plus prosaïquement, nos voisins espagnols les surnomment caca de luna et de l’autre coté de la manche, ils sont qualifiés de vomi de chien !
Pas très valorisant tout ça, pourtant, de près, il n’est pas si vilain le mucilage crustacé.
Les éléments formés que d’une seule cellule mais possédant de nombreux noyaux s’agglutinent pour former le plasmode .
Cet été, période pendant laquelle le mercure montait aux arbres, j’ai eu la surprise de découvrir un restant d’aligot sur les débris d’une vieille traverse de chemin de fer déterrée la veille. Ce vomi aveyronnais est connu sous le nom de fuligo septica, autre variété de myxomycète.
Je pense que les conditions de sécheresse et de chaleur relativement extrêmes ont accéléré le cycle. Je ne connais pas les facultés de résistance des spores, mais je caresse l’espoir de voir désormais l’apparition de blob dans mon jardin.
Ah, j’oubliais, ces myxomycètes ne sont absolument pas nocifs, ni pour les plantes, ni pour les animaux donc leurs aspects bizarres ne doit pas vous inciter à les détruire mais à les observer !
Si comme moi, l’existence et les facultés de ce blob vous fascinent, je vous conseille la lecture de ce livre passionnant et très pédagogique où on se rend compte également que la vie de chercheur(se) est loin d’être une sinécure.
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander.
Saint Martin le seul
Située à quelques lieues de Bondaroy (45) la petite église de Saint Martin le Seul a priori ne paie pas de mine. Son petit clocher peine à donner de la prestance à cet ensemble trapu dont les murs, flétris par les affres de la vieillesse, peinent à soutenir la toiture. L’œil averti relèvera quand même la rareté de la couverture dite « en bâtière » qui abrite l’abside.
L’histoire, enluminée de quelques légendes, nous apprend qu’au temps de Robert le Pieu (Xéme), un certain Grégoire, ascète puis Archevêque de Nicopolis en Arménie, craignant que sa renommée ne lui « enflasse le cœur et corrompisse son humilité » décide de partir en pèlerinage. Sa pérégrination vers l’Ouest le conduisit sur les lieux de la petite église de Saint Martin le Seul où il s’installa en ermite avec la bénédiction de la souveraine des lieux. (Héloïse de Pithiviers). A cette époque, les liens entre l’église arménienne et le siège de Rome étaient très étroits. Sa réputation de sainteté ne tarda pas à s’étendre et son hagiographie décrit de nombreux miracles et prodiges qui lui sont attribués. Redistribuant aux indigents les dons qui affluaient, il offrait une sorte de gâteau à base de miel qui serait à l’origine du pain d’épice de Pithiviers.
Après la mort de Grégoire, la renommée de l’ermite est telle que la « vox populi » lui attribua rapidement le statut de Saint, popularité qui perdura à tel point que le lieu-dit se nomme toujours St Grégoire sur le cadastre actuel.
L’église fait l’objet d’un accord entre les cultes catholique et orthodoxe. La commune et le diocèse autorise l’utilisation du bâtiment à la manière des églises orthodoxes.
De nos jours, à l’entrée, la cloche tintinnabule fréquemment afin que vienne s’ouvrir la porte aux nombreux visiteurs arméniens et autres.
La collection exposée est impressionnante tant par la diversité des décors que par les provenances et matières et ajoute un intérêt certain à la visite de l’église.
Comme bien souvent, la courbure surbaissée de l’arc est due à l’écartement des impostes, conséquence vraisemblable de la suppression des absidioles qui faisaient également office de contrefort.
Les arcatures aveugles des cotés latéraux de l’abside devaient communiquer avec les absidioles aujourd’hui disparues.
Devant l’affluence provoquée par la renommée de l’ermite, la dépouille fut rapidement transférée à l’église de Saint-Salomon de Pithiviers qui se partage actuellement les reliques avec l’église d’Estouy.
C’est bien connu, le chemin menant au ciel est truffé d’embûches et chaque degré doit être franchi avec beaucoup de circonspections !
L’état délabré des barreaux nous a dissuadés de tenter l’ascension! On peut quand même entrevoir l’enrayure de la base de la flèche.
Des vestiges d’arcature englobés dans la maçonnerie ajoutent des interrogations relatives à la chronologie des transformations du bâtiment.
Malgré l’apparente simplicité de l’architecture, les différentes modifications (dès le XI ème siècle) ont transformé l’église au fil du temps. Tenter d’interpréter les indices fait partie d’un jeu d’enquête passionnant, mais aux nombreuses incertitudes.
Proposition de l’abbé Moufflet évoquant de possibles tribunes d’avant-chœur destinées aux chorales. « Chorus psalentium ». Cette suggestion est sujette à contestations.
Manifestement, la dernière personne à avoir emprunté l’escalier n’a pas rendu toutes les marches !
A l’extérieur, les défaillances de la couverture sont bien visibles. Si rien n’est fait, les prochaines manifestations intempestives de la météo vont rapidement profiter de ces faiblesses et provoquer d’importants dégâts.
L’essaim de la voisine
Nous sommes au printemps et la reine-mère quitte la ruche, laissant la place à une jeunette. La vieille monarque emporte avec elle la moitié de sa cour pour aller fonder une autre colonie où elle sera rapidement évincée par une régente plus jeune. Le ballet de ces hyménoptères que l’on sait menacés est impressionnant. Au bout de plusieurs minutes, les abeilles se rassemblent chez la voisine.
Une fois que la reine dans la boite, les autres abeilles la rejoignent et la nouvelle colonie va pouvoir se développer.
Quand on connait les graves menaces qui planent sur la survie des abeilles, le spectacle offert par dame nature est assez émouvant et mérite bien quelques photos.
Godin
Fils d’artisan et autodidacte, Godin travaille dans l’atelier de serrurerie paternel dès l’âge onze ans.
Parallèlement il s’instruit en prenant des cours du soir et en lisant beaucoup.
A 17 ans, il part faire son Tour de France des compagnons du devoir. Au cours de ce périple, il se rend compte de la grande misère matérielle et morale qui règne parmi la classe ouvrière (Nous sommes à l’époque de Zola et Victor Hugo).
A son retour, il travaille dans un atelier de fonderie et dépose son premier brevet qui consiste à remplacer la tôle par de la fonte pour la fabrication des calorifères et cuisinières. Idée de génie et succès immédiat, Godin crée son entreprise en 1846 à Guise. Grace à son innovation, il fait rapidement fortune.
Devant l’échec de ce dernier, il décide de mettre seul ses théories en pratique à Guise avec la création du Familistère.
Il transforme son entreprise en coopérative de production, les bénéfices finançant écoles, caisses de secours, etc. Le reliquat est ensuite distribué entre les ouvriers, proportionnellement au travail fourni pendant l’année. Les bénéfices sont distribués sous forme d’actions de la Société : les ouvriers deviennent ainsi propriétaires de l’entreprise
Il tente d’instaurer un système d’autogestion dans son entreprise au travers de commissions d’administration élues. Il est remarquable pour l’époque que les femmes avaient le droit de vote.
Mal compris des ouvriers, ce système sera remplacé par l’Association du Familistère de Guise.
Les membres élus de l’Association appartiennent à des catégories sociales distinctes et hiérarchisées: des associés, des sociétaires, des participants et des intéressés.
Tous les acteurs de l’entreprise ont accès aux mêmes avantages quelle que soit leur situation dans l’entreprise.
Réduction du temps de travail qui passe de douze à dix heures et les salaires sont jusqu’à 25% plus élevés que dans les autres entreprises. Travailler moins pour gagner plus en somme !
Une grande place est accordée à l’éducation, socle de son engagement social avec la création de deux salles de classe mixtes. C’est lui-même qui dessine les pupitres d’école. Les élèves sont incorporés à l’usine en fonction de leurs résultats. Les plus doués sont envoyés dans les écoles d’ingénieurs à Paris.
Misant sur une culture du mérite, il encourage les élèves par un système de récompenses et de compliments, donnant lieu à un spectacle lors de la fête de l’Enfance, créée en 1863.
Toutes les dépenses concernant l’éducation et l’instruction sont supportées par l’Association.
Il crée également un système de sécurité sociale et de retraite en 1860 !
Un cabinet médical entièrement gratuit est mis en place.
Au grand dam des commerçants locaux, un économat est organisé pour supprimer les intermédiaires et bénéficier ainsi de prix plus bas. Cela permet également de contrôler la qualité des produits proposés.
Le Palais Social
Enfin Godin a voulu procurer à ses employés un logement spacieux à proximité de l’usine. Rompant radicalement avec les logements ouvriers type coron, il conçoit des bâtiments communautaires tablant sur l’émulation générée par un mode de vie fédératif.
Pour cela, en 1964, il fait ériger trois grands bâtiments entièrement élaborés sur ses plans. Chaque édifice possède des logements sur quatre étages autour d’un grand hall rectangulaire couvert d’une verrière. Le rez-de-chaussée est réservé à différents magasins et boutiques.
On y trouve un chauffage par un poêle et éclairage au gaz. Chaque étage est alimenté en eau chaude. On y trouve douches et cabinets d’aisances et…vide-ordures. Nous sommes en 1864, je le rappelle.
Godin pense son projet dans les plus petits détails. L’espace entre les barreaux des coursives est calculé de façon à ce qu’un enfant ne puisse y passer la tête. La taille des fenêtres est dégressive vers le haut afin de répartir équitablement la lumière du jour dans les appartements etc. Conscient de l’effet de serre provoqué par la verrière, il prévoit un système de cheminées qui véhiculent dans les murs l’air frais provenant du sous-sol.
Les étages sont desservis par des escaliers en demi-colimaçon afin de permettre une ascension moins pénible si on emprunte les degrés à l’extérieur.
Afin de soulager les femmes, les tâches ménagères sont mutualisées.
Une crèche est mise en place. Pour l’anecdote, dans les berceaux il fait remplacer le matelas par une épaisseur de son. Ainsi, en cas de pipi, il suffit de remplacer la petite boule de son agglomérée par du son sec. Celui souillé étant donné aux bêtes. Cela donne une idée de son inventivité qui ne semble pas connaitre de limites allant du plus petit détail aux 300 brevets industriels !
L’étage supérieur, aux murs ajourés, est réservé au séchoir. Il est actuellement transformé en salle d’exposition.
Il met à disposition des employés une piscine équipée d’un fond amovible afin d’adapter la profondeur du bassin à la taille des enfants. !
Faisant face aux habitations, il érige un théâtre pour divertir mais aussi pour y donner des conférences sur les théories sociales de son engagement politique.
Vous trouverez facilement sur internet les détails de son engagement social qui repose sur l’élévation du peuple par l’éducation, il remet principalement en cause l’impôt et l’héritage qui doit être, selon lui, être géré par l’Etat pour une meilleure répartition des richesses.
L’impôt est un obstacle à la libre expression de l’activité des citoyens ; il est préjudiciable au progrès, au développement de la richesse générale ; il est surtout un obstacle à l’émancipation des classes laborieuses parce qu’il épuise les ressources du travail au profit du capital.
Si plusieurs projets de phalanstères existaient à l’époque, Godin a réussi à mettre en pratique une utopie qui perdura après son existence. Un an avant sa mort, alors que l’usine emploie 1500 personnes, Godin, qui habitait lui-même le Familistère, fait son testament en faveur de l’association.
La coopérative fonctionnera jusqu’en 1968. Au fil des ans, l’esprit de Gaudin disparaît et la gestion de la coopérative revint à une caste de plus en plus réduite et gangrenée par l’appât du profit. Suite à une mauvaise gestion l’entreprise est finalement vendue à la société Le creuset qui conserve le nom de la marque. Les autres bâtiments sont mis en vente.
Le Palais social, érigé pour loger les employés, est maintenant transformé en musée qui a la particularité de posséder encore plusieurs appartements occupés par des particuliers.
Pour conclure je laisse la parole à Michel Lallemant :
« Qu’il s’agisse, en bref, des stratégies gestionnaires, de la démocratie dans l’entreprise ou du droit des femmes, Godin a su faire œuvre d’innovateur au service de l’émancipation collective. Mieux encore, même si les réalisations n’ont pas toujours répondu à ses espérances, ce chef d’entreprise fouriériste a proposé des solutions sociales originales dont nous n’avons toujours pas fini de mesurer la richesse ni de tirer toutes les implications. »
1/ En tout bien, tout honneur, le site du musée du Familistère. Nombreuses illustrations d’époque.
2/ Laboratoire Urbanisme insurrectionnel. Très complet et critique.
3/ Et pour finir Mutualité sociale par Godin himself.
** 2019 **
Si en certains endroits on bulle et s’encroute, ce n’est certes pas le cas sur Baguenaudes !
La creute des artistes 2eme partie
Concours de circonstances qui regroupa plusieurs artistes au même endroit au cours de l’année 1916 ? Peut-être…
Enterré, ce refuge abritait un important poste de commandement relativement tranquille où les officiers, issus de classes sociales supérieures, retrouvaient un semblant d’environnement rappelant celui de leurs vies bourgeoises.
L’entrée de cette carrière se parcourt sous le regard énigmatique de cette monumentale tête de sphinx quelque peu inattendue en cet environnement picard.
La photo (Album Valois) de la sculpture en cours d’élaboration par Leclabart donne une idée des proportions monumentales.
Il mit à profit un volume laissé par les carriers pour décorer le fronton des logements des officiers. Ce haut-relief possède une haute valeur symbolique, le mythe de Jeanne d’Arc ayant pris une grande ampleur nationale suite à la guerre de 1870.
La représentation altière était surmontée d’une devise aujourd’hui disparue: Nous les bouterons hors de France. Au pied de l’icône nationale, on peut distinguer les restes d’une croix de Lorraine.
Plus léger, il décora un angle de la carrière avec cette fantaisie imitant une fontaine surmontée d’un joli mascaron reposant sur deux volutes, le tout dans un style Art nouveau.
La reconnaissance de son talent auprès des troupes se concrétise par l’illustration de la une du journal Hurle Obus
Démobilisé, il reprit son activité notamment en réalisant plusieurs monuments aux morts.
On peut se faire une idée de son talent artistique
Le brigadier Jacques Cadars était un ancien élève des Beaux Arts. Affecté au 4e Régiment de cuirassiers, on lui doit ce grand bas-relief représentant un dragon aux flancs grisés par l’humidité. Cuirasses et chevaux ont été abandonnés en 1917, la sculpture serait-elle antérieure à cette date ?
Né en 1895, son âge ne le mit pas à l’abri du front où sa vocation d’artiste fut brutalement stoppée le 27 Octobre 1918 à Thermes dans l’Argonne.
Il faut pénétrer dans les galeries pour découvrir cette femme aguichant le spectateur à l’aide d’un sein dévoilé. L’auteur, un certain Bucher a légendé ce sourire fripon d’un : Souvenir de la Légion 5 Cie.
Légionnaires soupçonnés également d’utiliser la piquette comme butin!
La profondeur de la vue est simulée par la mise en perspective d’une série de créneaux. La vigie, campée sur un caillebotis guette au septentrion les vandales derrière le parapet.
Les détails sont d’une précision quasiment photographique allant de l’épaulette en rouleaux pour retenir la bretelle du fusil, jusqu’au système de réglage de cette dernière. Cartouchière, besace, bandes molletières et même la pipe, tous les éléments de l’équipement du fantassin sont présents. Le réalisme est si poussé que l’on peut observer un rat lorgnant sur la gamelle située au sommet du havresac !
Le titre de l’œuvre se réfère au surnom la crête surplombant le front.
Surnommé « Les parisiennes », ce panneau serait une copie d’un dessin paru dans la revue La Vie parisienne. Comme je l’ai déjà mentionné dans l’article précédent, ce genre de revues de modes, où la gent féminine était souvent dessinée en tenues plus que légères, étaient fort prisées des soldats. Il suffit de parcourir les petites annonces pour s’en assurer. J’ai parcouru plusieurs numéros sans retrouver l’original, aussi je lance un grand concours où il n’y a rien à gagner: Qui retrouvera les modèle? Gallica nous offre la possibilité de feuilleter ces magazines où les illustrations d’un style Art Nouveau se parcourent avec délectation.
A contempler toutes ces toilettes, les poilus riaient dans les champs !
Pour le moment, la creute semble bénéficier d’une discrétion favorable à la conservation de ces témoignages émouvants. Souhaitons que son classement comme monument historique fasse que cet état soit pérennisé.
La creute des artistes
Nous avons la chance de pouvoir disposer de photographies des même lieux issues de la bibliothèque La contemporaine . Nous en avons extrait quelques unes afin de se replonger dans l’ambiance de l’époque.
Album Valois.
Image tirée de cet excellent document
Par exemple, le coin lavabo est décoré d’un minois souriant.
Et plus curieusement deux autres profils où se devinent un casque à pointe à gauche et une casquette d’officier allemand à droite ( ?). Ces derniers ont-ils brièvement occupé la région en 18 ?
Un style académique fleurant l’école des Beaux-Arts bien rodé
Vers quels horizons s’évadent les pensées des soldats au repos ?
La femme affriolante ?
La patrie?
La semeuse, allégorie créee fin 19e, est devenue un symbole de la République Française.
Il se distingue intact, peut être encore inachevé, sur ce cliché de 1918.
Cette couverture d’un magasine coquin du 31/3/1917, fort prisé des poilus, a pu inspirer l’artiste. (J’avance audacieusement cette possibilité car elle est évoquée à propos d’une autre sculpture que vous verrez plus tard.)
Maréchal à qui on doit le jour le plus sanglant de l’histoire de France: 27000 morts le 22 Août 1914. Cela lui a valu de formidables honneurs !
A suivre…
Armistice
Le 11 Novembre 1918 à 10h 55 , Auguste Trébuchon est tué. L’Armistice a été signé le matin à 5 heures 15, le cessez-le-feu étant prévu à 11 heures. Depuis la veille, l’Etat Major Français fait le forcing pour accentuer la pression sur les Allemands avant la signature. La Meuse doit être franchie à tout prix. Une fragile tête de pont est établie. Bien que le 11 au matin, l’annonce imminente du cessez-le feu soit connue par les soldats, les tirs de mitrailleuses et d’artillerie continueront jusqu’à ce que les clairons retentissent à 11 heures. Cinq minutes avant, Auguste Trébuchon est frappé d’une balle en pleine tête. Il est considéré jusqu’alors comme le dernier soldat français tué pendant la Grande Guerre.
Cent ans plus tard, l’esprit de clocher est toujours tenace :
Il semblerait qu’Auguste Joseph Renault soit décédé à 10 heures 58.
Vous connaissez maintenant mon attrait pour le monde souterrain et surtout pour les témoignages laissés sur les parois, aussi je me devais de commémorer ce centenaire avec quelques photos prises dans les creutes (carrières souterraines) qui servirent de refuges aux combattants.
Malgré l’érosion, on peut deviner une figure féminine aux yeux charbonneux.
Les murs peuvent également délivrer des messages.
On peut traduire par Anéantir l’Allemagne.
Ce texte fait vraisemblablement allusion à l’essai écrit en 1871 par H. Entz :DELENDA GERMANIA. dont voici l’introduction:
Accompagnant cette citation, un texte qui ne nécessite pas d’explication, le texte est parlant !
Cette petite commémoration personnelle s’achève ici, mais je reviendrai rapidement avec d’autres témoignages moins belliqueux.